Photoniques Magazine Issue No. 130 | Page 18

ENTRETIENS
former des réseaux de dizaines , voire de centaines d ' atomes . ET COMMENT CRÉEZ-VOUS LES QUBITS AVEC CES ATOMES ? Nous utilisons un système laser pour isoler deux niveaux électroniques particuliers des atomes de rubidium et générer des transitions entre ces niveaux . Un de ces niveaux représente l ' état 0 du qubit et l ' autre l ' état 1 . L ' information quantique est ainsi encodée et manipulée .
COMMENT L ’ INTRICATION EST-ELLE CRÉÉE ENTRE CES QUBITS ? Nous exploitons une interaction native entre les atomes lorsqu ' ils sont excités dans un état de Rydberg , où leur électron est très éloigné du noyau . Cette interaction dipôle-dipôle de type Van der Waals permet d ’ engendrer une intrication entre les atomes . Pour la lecture , nous utilisons une technique de mesure par fluorescence . Un système d ’ imagerie collecte la lumière émise par les atomes sur une caméra CCD , ce qui permet d ' obtenir les informations nécessaires sur leur état .
COMMENT FONCTIONNE L ’ INTERFACE ET SUR QUELS ALGORITHMES REPOSENT CES NOUVEAUX CALCULATEURS ? Il y a deux sujets principaux ici : d ' une part , l ' accessibilité et la pile logicielle , et d ' autre part , les algorithmes . Sur l ’ algorithme , la logique de l ’ algorithme quantique est fondamentalement différente de celle des algorithmes classiques . Elle est plus riche , ce qui implique le développement de nouveaux algorithmes et routines de calcul . Il existe donc des langages et des méthodes pour décrire ces algorithmes , qui ont émergé au cours des dernières années . En revanche , la pile logicielle reste assez standard . En général , les gens utilisent des bibliothèques Python , qui sont des points d ’ accès standards , utilisables par tous . Grâce à ces bibliothèques , il est possible de créer des algorithmes quantiques . Ces derniers , qui reposent sur cette nouvelle logique , sont ensuite envoyés via le cloud , en utilisant des technologies de cloud computing standards . Ainsi , il y a deux aspects à considérer : l ’ aspect « accessibilité logiciel », qui reste classique dans son approche , et l ’ aspect « algorithmique », où les algorithmes quantiques ont des spécificités .
QUELLES ONT ÉTÉ LES PRINCIPALES ÉTAPES DE DÉVELOPPEMENT DE L ’ ENTREPRISE DEPUIS SA CRÉATION EN 2019 ? La première étape a consisté à reproduire ce qui existait déjà dans les laboratoires académiques . Nous avons pris une machine existante en laboratoire et nous avons essayé de la reproduire dans un autre contexte . Nous n ’ avons rien changé au design , nous avons simplement cherché à le faire plus rapidement . La première machine a donc été une réplique de celle des laboratoires . Cela a permis de montrer que nous étions capables de faire cela dans un environnement autre que celui d ’ un laboratoire de recherche . Ensuite , nous avons entamé une première phase d ’ industrialisation . Nous avons fiabilisé certains systèmes , réécrit le code de contrôle et mis cette machine sur le cloud . À ce moment-là , elle était encore chez nous , mais nous avons rationalisé certains éléments pour les rendre plus fiables et réplicables . En laboratoire , les bancs optiques sont souvent construits de manière ouverte , permettant de les modifier selon les besoins . Cela favorise l ’ expérimentation et la recherche . Nous , en revanche , savions exactement ce que nous voulions faire , ce qui nous a permis de limiter les degrés de liberté et d ’ aboutir à des éléments plus fiables . Maintenant , nous sommes dans une phase où nous pouvons produire des machines en parallèle , y compris en pré-série . Ces machines sont fabriquées par des personnes qui n ’ ont pas de formation en physique quantique . Cela montre l ’ évolution de notre capacité d ’ industrialisation : nous ne dépendons plus de notre expertise pour construire ces machines et pouvons en produire plusieurs simultanément .
EN TERMES DE CROISSANCE ORGANIQUE , Y A-T-IL EU DES ÉTAPES PARTICULIÈRES ? Tout à fait . En tant que start-up , notre objectif est de croître rapidement et de nous concentrer sur notre domaine . Nous avons rapidement passé le cap de quelques personnes à une équipe d ’ une vingtaine , voire une trentaine de personnes , principalement techniques . Cela nous a permis de réaliser les premières démonstrations avec des clients intéressés par nos machines , ce qui a facilité notre levée de fonds . En janvier 2023 , nous avons levé 100 millions d ’ euros , ce qui a marqué une phase importante de croissance pour accélérer notre développement industriel et augmenter notre capacité à produire des machines et à travailler avec un nombre plus important de clients . Aujourd ’ hui , nous sommes 320 personnes , réparties entre la région parisienne ( à Palaiseau ), une équipe à Amsterdam pour le développement des algorithmes , et une présence en Amérique du Nord , au Québec .
VOUS VOUS ÊTES INTERNATIONALISÉS EN QUELQUES ANNÉES , QUELLES SONT LES RAISONS DE CE CHOIX ? Il y a eu plusieurs opportunités à l ’ international , et l ’ Amérique du Nord , notamment le Canada et le Québec , a été un point d ’ entrée naturel pour nous . Nous avions déjà des liens avec l ’ université de Sherbrooke dans le cadre de partenariats académiques , ce qui a facilité notre implantation làbas pour y développer notre deuxième centre hardware . L ’ équipe à Amsterdam a été mise en place après l ’ acquisition d ’ une entreprise spécialisée dans le développement d ’ algorithmes quantiques , juste avant notre levée de fonds . Cette acquisition nous permet d ’ avoir une solution complète allant du hardware à l ’ applicatif . Il est important pour nous de rester en contact direct avec les utilisateurs , et cela nécessite que nous développions des algorithmes
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