ENTRETIENS
le monde de l ' entreprise est naturelle . Cette culture n ’ est pas présente dans tous les lieux de recherche , et je me rends compte de la chance que j ’ ai eue d ’ évoluer dans des environnements décloisonnés ; décloisonnés d ’ un point de vue thématique , entre les sciences de l ’ ingénieur et la physique , entre la physique , la chimie et la biologie par exemple . Cette vision décloisonnée est , il me semble , une vision moderne de la recherche . Je n ’ utilise que très peu la terminologie dissociant recherche fondamentale et appliquée , les deux aspects se nourrissant l ’ un et l ’ autre , de manière réciproque . Si la recherche fondamentale peut donner des applications , il faut garder à l ’ esprit que les applications peuvent inspirer des recherches très fondamentales . Cette vision décloisonnée est aussi ce qui m ’ a motivé à prendre la direction de l ’ Institut d ’ Optique , car l ’ IOGS est conçu sur un modèle hybride , pensé pour faciliter les décloisonnements . Les pères fondateurs , Charles Fabry en premier lieu , ont défini dès 1920 le modèle de l ’ Institut d ’ Optique comme le mélange d ’ une école d ’ ingénieur , d ’ un centre de recherche , et d ’ un centre de transfert vers l ’ industrie . Toutes ces composantes , qui forment l ’ ESRI d ’ aujourd ’ hui , sont dans les gènes d ’ institutions comme l ’ ESPCI ou l ’ Institut d ’ Optique . A l ’ Institut d ’ Optique mon objectif est de profiter de ce modèle très pertinent , et surtout agile car de taille raisonnable , pour former encore mieux et encore plus d ’ ingénieurs qui contribueront à répondre aux grands enjeux qui sont devant nous , et à transférer le plus efficacement possible le fruit de nos recherches vers la société .
COMMENT AVEZ- VOUS DÉVELOPPÉ VOS COLLABORATIONS INTERNATIONALES ? Dans le parcours d ’ un chercheur , les rencontres sont déterminantes , au niveau national comme au niveau international , et une rencontre marquante fut celle avec Juan-José Sáenz ( malheureusement décédé en 2020 ). Certains papiers que j ’ ai eu la chance de cosigner avec Juanjo font partie des plus
Cette culture n ’ est pas présente dans tous les lieux de recherche , et je me rends compte de la chance que j ’ ai eue d ’ évoluer dans des environnements décloisonnés ; décloisonnés d ’ un point de vue thématique , entre les sciences de l ’ ingénieur et la physique , entre la physique , la chimie et la biologie par exemple . Cette vision décloisonnée est , il me semble , une vision moderne de la recherche .
beaux papiers que j ’ ai pu écrire ( ce qui ne veut pas dire qu ’ ils sont les plus cités ). Ce qui m ' a toujours plu dans notre collaboration , c ' est que nous sommes parvenus à trouver un mode d ' interaction où l ’ émulation était permanente et poussée à son paroxysme . Nous partagions un enthousiasme à la limite de l ’ explosif . Nous sommes allés à deux sur des sujets où nous nous ne serions jamais allés seuls . Il a très clairement influencé mes recherches , et même ma manière d ’ aborder les questions encore aujourd ’ hui . Je reste très connecté à la communauté photonique espagnole et c ’ est en grande partie son héritage . Une autre rencontre importante a été celle avec John Schotland que j ’ ai rencontré en Chine lors d ’ un workshop de maths appliquées à Shanghai . Quelques années après , je l ’ ai invité à l ’ ESPCI pour un séjour de 2 mois . Il avait commencé à écrire quelques chapitres d ’ un potentiel livre sur l ’ optique diffuse . J ’ avais en tête de me lancer sur la rédaction d ’ un ouvrage sur une thématique similaire , peut-être avec un point de vue plus fondamental . Un jour , lors d ’ un déjeuner , il a émis l ’ idée de tenter de fusionner nos deux projets . Nous nous sommes donnés six mois pour converger vers une table des matières . Au bout de six mois , nous nous sommes lancés dans l ’ écriture , une aventure qui durera huit ans . Principles of Scattering and Transport of Light est paru en 2021 , et les échos très positifs que nous recevons depuis sont une très grande satisfaction .
LA TRANSMISSION DU SAVOIR ET DES CONNAISSANCES TIENT UNE PLACE ESSENTIELLE DANS VOS ACTIVITÉS J ’ aime beaucoup l ’ idée de transmission , mêlée à la remise en question par la confrontation aux apprenants . J ’ ai toujours enseigné , même lorsque j ’ ai été très occupé par des fonctions de direction ( bien sûr avec un volume d ’ heures réduit , mais jamais négligeable ). Il y a des sujets que j ’ ai appris parce que je les ai enseignés . L ’ enseignement a été comme une formation continue pour moi . Dans mon activité de chercheur , je porte une très grande attention aux cours que je présente aux écoles thématiques d ’ hiver ou d ’ été . Je sais l ’ importance de ces écoles dans la formation des futurs ou jeunes chercheurs , et dans l ’ orientation de leurs recherches . Certaines écoles auxquelles j ’ ai participé comme jeune chercheur ont été déterminantes pour moi . Un moment marquant de ma carrière fût l ’ école de 15 jours aux Houches organisée en 1998 sur les ondes en milieux complexes . C ' est l ' école qui a soudé au niveau international la communauté sur ce sujet . D ’ autres ont suivi à Cargèse . Il y a des cours de cette école 1998 dont je me souviens encore aujourd ’ hui très bien , et plusieurs personnes que j ’ ai côtoyées aux Houches ont influencé la suite de ma carrière . Je voudrais souligner également la chance que j ’ ai eue , dans mon métier d ’ enseignant-chercheur , d ’ avoir toujours interagi avec des élèves ingénieurs , des doctorants et des postdoctorants formidables . Enseigner , superviser des travaux de recherche , transmettre les ficelles du métier , cela nous pousse aussi en avant car les plus jeunes nous stimulent toujours pour évoluer et être en démarche permanente de progrès . Mon travail de chercheur n ’ aurait pas le même sens sans être accompagné de cette mission de formation , de transmission , qui au bout du compte est un partage .
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