Photoniques Magazine Issue No. 130 | Page 14

Entretien avec Rémi Carminati
ENTRETIENS
Entretien avec Rémi Carminati
Directeur général de l ’ Institut d ’ Optique , professeur à l ’ ESPCI Paris-PSL , chercheur à l ’ Institut Langevin en nanophotonique et en physique des ondes en milieux complexes .
https :// doi . org / 10.1051 / photon / 202513012
COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LES SCIENCES ? J ’ ai toujours eu envie de faire de la science . Les professeurs de lycée jouent un rôle important sur les orientations et j ’ ai eu la chance d ’ avoir d ’ excellents profs de physique . En première à mon époque , il y avait beaucoup de physique des ondes . Un matin en cours , le professeur a apporté un laser avec une fente réglable et il a projeté sur le mur blanc au fond de la classe une figure de diffraction . Il avait projeté l ' image de la fente , et puis , en diminuant la taille de la fente , on a vu apparaître au fond de la salle la figure de diffraction du laser . Je me souviens d ’ avoir été fasciné par ce phénomène et de m ’ être dit qu ’ un jour j ’ aimerais être capable de le comprendre en détail . Quand j ' étais en prépa , j ' attendais impatiemment qu ’ en maths spé nous abordions l ' optique physique et les équations de Maxwell .
COMMENT AVEZ-VOUS CHOISI VOTRE SUJET DE THÈSE ? Par la suite , c ’ est en 2 ° année d ’ Ecole d ’ ingénieur à Centrale Paris que j ’ ai eu le déclic . J ' avais eu la chance d ’ avoir Jean-Jacques Greffet comme professeur . Ses cours étaient fascinants et je savais alors que je souhaitais poursuivre en recherche . J ' ai toujours été attiré par l ' idée d ' aller aux frontières des connaissances d ' une discipline . En 3 ° année , je suivais en parallèle un DEA ( le Master 2 de l ’ époque ), et quand j ' ai décidé de chercher une thèse , je me suis assez vite tourné vers Jean-Jacques Greffet . J ’ ai effectué mon stage de DEA dans son équipe , encadré par Anne Sentenac qui était sa première doctorante . Je sentais qu ’ il menait des recherches intéressantes et il y avait un bon feeling personnel . C ’ est ainsi que j ’ ai eu la chance de démarrer ma thèse en 1993 sous sa direction .
QUELS ONT ÉTÉ LES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE VOTRE THÈSE ? Cette époque correspond au tout début de ce qu ’ on appelait l ’ optique de champ proche , et qui est devenu aujourd ’ hui la nanophotonique . Pour donner une idée , la première conférence de microscopie optique en champ proche s ’ était déroulée en 1992 . Jean-Jacques y avait participé et était revenu avec beaucoup d ’ idées . Les premières expériences en France étaient menées à Besançon , Dijon et Paris . Nous étions une poignée de thésards à commencer à travailler sur la théorie de l ’ optique de champ proche , avec notamment Lukas Novotny ou Olivier Martin . C ’ est dans ce contexte scientifique que j ’ ai commencé mes travaux . Un de nos apports a été d ’ introduire des outils théoriques pour l ’ interprétation des images en microscopie de champ proche . Un enjeu était de découpler l ’ interaction entre la pointe et l ’ objet afin d ’ obtenir une information pertinente sur l ’ objet . J ’ ai ensuite été le témoin de la transition , vers la fin des années 1990 , entre une vision de la thématique très centrée sur la microscopie et une vision plus large de physique sub-longueur d ’ onde qui a ouvert le champ de la nanophotonique . L ’ idée était de faire de l ’ optique avec des pointes , avec des nanoparticules , des émetteurs uniques ... Je me souviens d ’ exposés de Dieter Pohl qui expliquait qu ’ il fallait penser en termes d ’ interaction avec des antennes . Il a amené l ' idée qu ' on pouvait utiliser des pointes ou des nanoparticules comme des nano-antennes pour l ’ optique , et ce n ’ était pas une évidence à ce moment là .
COMMENT S ’ EST DÉROULÉ VOTRE POST-DOCTORAT ? Je suis parti en 1996-97 en post-doc à Madrid dans le groupe de Manuel Nieto-Vesperinas qui travaillait sur la diffusion par des surfaces rugueuses et sur l ’ optique de champ proche . Mon post-doc concernait la nanophotonique théorique . Manuel commençait également à s ’ intéresser à l ’ imagerie en milieu diffusant . Il avait pris un doctorant sur ce sujet , et j ’ ai commencé à m ’ intéresser aux milieux diffusants en co-encadrant ce doctorant en parallèle de mes travaux en nanophotonique . C ’ est à partir de ce moment là que j ’ ai mené de front des activités de recherche sur ces deux thématiques .
C ’ EST À CE MOMENT QUE VOUS RENTREZ EN FRANCE Fin 1997 , je deviens Maitre de Conférence à l ’ Ecole Centrale Paris et je rejoins le groupe de Jean-Jacques Greffet . Cette époque correspond au début des questionnements de Jean-Jacques sur la cohérence du rayonnement thermique suite à des expériences qu ' il avait menées avec le CEA . Il réfléchissait à la question « pourquoi peut-il y avoir de la cohérence spatiale dans l ' émission thermique ? ». Au retour de mon post doc , Jean-Jacques me lance sur le sujet et nous publions le premier article théorique en 99 , démontrant le rôle des polaritons de surface dans la cohérence spatiale du champ proche thermique . Il y eut ensuite un autre article en 2022 avec la première preuve expérimentale de l ’ émission thermique cohérente en champ lointain . J ’ ai eu la chance de travailler sur ce sujet quelques années . Cette période était exaltante car nous avons ouvert un boulevard pour faire progresser notre compréhension de ce
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