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café au cœur du quatrième arrondissement. Cette rencontre
hebdomadaire se produisait toujours, ils ne la rataient presque
jamais. Elle commandait impérativement le dos de cabillaud, et
il mangeait infailliblement le Bourguignon d’Aubrac.
D’habitude, ils buvaient un pichet de Morgon. Mais ce jour-là,
ils avaient choisi, à l’étonnement de leur serveur, un pichet de
Sancerre. Le rouge du Morgon rappelait trop la couleur du
sang.
Ce sang qui ne cessait jamais de jaillir. Ils évoquaient toutes les
atrocités, toute la tuerie dont ils avaient été témoins. Ils étaient
transportés jusqu’en juillet 1995, après les attentats sur le RER B
du Groupe Islamique Armé, qui leur avait pris un ami intime.
Une rage dévorante les avait emportés, un désir ardent de se
venger, et à la fois une crainte tourmentante. Maintenant, ils
comprenaient qu’ils n’avaient qu’une seule arme : leur déjeuner
invétéré des samedis, avec un bon pichet de vin.