Paris et les Zola en herbe | Page 21

  21   café au cœur du quatrième arrondissement. Cette rencontre hebdomadaire se produisait toujours, ils ne la rataient presque jamais. Elle commandait impérativement le dos de cabillaud, et il mangeait infailliblement le Bourguignon d’Aubrac. D’habitude, ils buvaient un pichet de Morgon. Mais ce jour-là, ils avaient choisi, à l’étonnement de leur serveur, un pichet de Sancerre. Le rouge du Morgon rappelait trop la couleur du sang. Ce sang qui ne cessait jamais de jaillir. Ils évoquaient toutes les atrocités, toute la tuerie dont ils avaient été témoins. Ils étaient transportés jusqu’en juillet 1995, après les attentats sur le RER B du Groupe Islamique Armé, qui leur avait pris un ami intime. Une rage dévorante les avait emportés, un désir ardent de se venger, et à la fois une crainte tourmentante. Maintenant, ils comprenaient qu’ils n’avaient qu’une seule arme : leur déjeuner invétéré des samedis, avec un bon pichet de vin.