JURY 2016
“ Juliette , éprise en délit de rosaces ”
Sur les joues pâles de Juliette , s ’ imprimaient des rosaces de lumières . Juliette se tenait juste derrière la fenêtre et s ’ inventait des illusions , couverte de tatouages fragiles qui se déplaçaient en grappes , lentement , en glissant , mais sans jamais s ’ interrompre .
Dehors , elle aurait dû plaire à découvert .
Les étranges colliers plats et circulaires qui couvraient les trous , au travers desquels elle pouvait parler avec les baliveaux et les passereaux , sans même qu ’ on l ’ aperçoive , projetaient , sur sa peau blême , des calques de lumière qui tatouaient ses joues et renforçaient l ’ obscurité dans laquelle elle vivait depuis tant de temps , malgré sa solide jeunesse .
Dedans , elle pourrait dire tout ce qu ’ elle voudrait .
Les mécanismes optiques qui la plaçaient entre une vérité implacable , celle de sa propre vie , et une perception illusoire de sa personnalité , lui redonnaient espoir . Elle voulait que tout change en elle , sans que ce soit définitif , pas convaincue , du tout , de l ’ indélébilité d ’ un tatouage .
Juliette aimait couvrir sa peau d ’ autres peaux . Elle disait que déménager l ’ obligeait à investir d ’ autres personnages pour ne pas se mettre en danger . Comme si le fait d ’ être dans la peau d ’ une autre la dispensait d ’ un destin personnel . Les rosaces lui permettaient de rester à l ’ abri et l ’ autorisaient à ne sauter dans le train de la réalité qu ’ au moment où elle l ’ aurait décidé . Elle pouvait imaginer la lumière comme une matière blanche et brûlante qu ’ un pinceau aurait déposée sur sa peau ou comme des coulées d ’ ombres découpées de trous vertigineux , qui la plongeraient dans un abîme de lumières .
Jusque là , le verre de façade et les menuiseries exprimaient une rupture entre dedans et dehors , entre le domaine privé et le domaine public . Là , dorénavant , il s ’ agit d ’ exercer un léger glissement vers une expression plus individuelle et les projets choisis s ’ évertuent à le démontrer chacun à sa manière .
Anne DEMIANS Architecte