PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 76

« Quand nos enfants sont tués » surtout la nuit ; nous nous collions aux oliviers pour trouver un peu de chaleur. Nous avancions comme un nuage de criquets, criant notre supplice que personne n’entendait. L’une des amies de ma mère cherchait sa fille, son fils et sa mère. Elle demandait à tous les passants s’ils ne les avaient pas vus. Elle ne savait pas encore que tous les trois avaient été abattus. Ce n’est que plusieurs mois plus tard, en juin 1949, après nous avoir mis en sécurité, que mon oncle témoi- gna de ce qui s’était passé auprès d’un membre de la CCNUP (Commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine) 16 . À l’époque, bizarrement, personne ne releva que Dawaimeh avait été un mas- sacre plus brutal encore que Deir Yassin 17 . Et ce que nous avons vécu est tombé dans les oubliettes… comme beaucoup d’événements sanglants qui ont tou- ché les Palestiniens 18 . C’est d’autant plus étonnant que des auteurs du massacre ont voulu témoigner, notam- ment un soldat israélien qui, dix jours après le massacre 74 le 8 novembre 1948, avait fait envoyer une lettre à un journal israélien. Sa lettre s’est « perdue », et elle n’a été « retrouvée » et publiée que soixante-huit années plus tard, en 2016 19 . Pourquoi la terreur dont nous avons été victimes à Dawaimeh a-t-elle été cachée, au contraire de Deir Yassin, qui avait effrayé et fait fuir la population pales- tinienne en avril  1948 (avant même qu’Israël ne soit créé), vers les pays voisins ? Je ne le sais pas. Parmi les amis de mon oncle, certains pensaient que c’était pour éviter un nouveau mouvement de panique et empêcher que les territoires palestiniens ne se vident totalement de leurs habitants 20 . D’autres affirmaient que c’étaient les autorités israéliennes qui avaient étouffé l’affaire, craignant qu’elle ne ternisse leur image. Il faut dire que le massacre de Deir Yassin avait eu lieu avant la création d’Israël et que les responsables de la boucherie étaient les « gangs » sionistes que David Ben Gourion disait combattre 21 . Alors qu’à Dawaimeh, cinq mois plus Mémoires de 1948 MEMOIRE_PALESTINE_FR.indd 74 20/02/2019 13:37