PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 70
Palestiniens, du fait de vivre à l’intérieur des frontières
définies par Israël.
Dans les années 1990, de concert avec des femmes
juives, nous avons lancé les « Femmes en noir 23 », puis
les « Filles de la Paix » (Daughters of Peace, Bint Salam
en arabe) 24 . C’était notre façon de faire entendre notre
voix lors des négociations de paix qui ont abouti à Oslo
en 1994.
Mais tout s’est arrêté au début des années 2000,
lors des massacres de jeunes Palestiniens 25 . Nous avons
pris des distances avec les organisations israéliennes qui
avaient été nos partenaires lors des mouvements pour
la paix. L’impression était forte d’un échec sur tous les
plans : colonisation oppressante, répression militaire
sanglante dans les territoires occupés, marginalisation
1. Voir les travaux d’Ilan Pappé, Le Nettoyage
ethnique de la Palestine, et de Nur Masalha,
The Palestine Nakba, Decolonising History, Nar-
rating the subaltern, reclaiming Memory, Zed
Books, 2012, sur le rôle central qu’ont joué les
massacres et la stratégie d’un nettoyage ethnique
dans l’exode de 750 000 Palestiniens en 1948.
2. Laurence Louër, Les Citoyens arabes d’Israël,
Balland, 2003.
3. Voir Ted Swedenburg, « The Role of the
Palestinian Peasantry in the Great Revolt (1936-
1939) », dans Edmund Burke III and Ira Lapi-
dus, dir., Islam, Politics, and Social Movements,
p. 169-203. Berkeley, University of California
Press, 1988.
4. Invasion de la Pologne, en septembre 1939.
5. Les forces aériennes italiennes avaient pour
but de toucher les zones contrôlées par les Bri-
tanniques au Proche et Moyen-Orient : les raf-
fineries et les ports palestiniens étaient directe-
ment visés.
6. Sur la Ligue nationale de libération en Pa-
lestine, parti fondé en 1944 par des membres,
arabes, du Parti communiste palestinien, voir Jo-
han Franzén, « Le Yishouv et le “yishouvisme” »,
Revue d’études palestiniennes n° 104 (2007) : « La
position communiste officielle vis-à-vis du pro-
jet sioniste en Palestine au début du mandat bri-
tannique était celle d’une hostilité sans réserve
[…]. Mais cette position va changer entre 1940
et 1947 […] En 1947 la colonisation juive est
justifiée, au motif que le prolétariat juif de Pa-
68
en Israël, impossibilité de parler d’un retour des réfu-
giés. Dernièrement, en 2014, un autre mouvement est
né, très spectaculaire : les « Femmes en blanc » militent
« pour la paix » ce qui sonne joliment. Mais l’expres-
sion est totalement vidée de son sens. Alors nous les
avons approchées et avons essayé de les convaincre du
besoin urgent d’être honnêtes, de cesser manipulations
et mensonges : la paix ne sera instaurée que si nous
construisons deux États indépendants, la Palestine et
Israël, avec les frontières décidées par les Nations unies
en 1967, chacun ayant sa capitale, Jérusalem-Est pour
la Palestine et Jérusalem-Ouest pour Israël, et si l’on
examine des questions cruciales comme le retour des
réfugiés. C’est cette paix-là et aucune autre, qui peut
faire l’unanimité.
lestine deviendrait une avant-garde socialiste et
élèverait le niveau politique des Arabes […]. »
Sur le même sujet, la thèse de Laurent Ruc-
ker, « L’URSS et le conflit israélo-arabe, 1941-
1956 », Paris-X Nanterre, 1999.
7. Ari Shavit, « Survival of the fittest » (inter-
view de Benny Morris), Haaretz, 8 janvier 2004.
8. Ilan Pappé, Le Nettoyage ethnique de la Pales-
tine, p. 360.
9. Le 13 mai 1948, la Haganah entreprend
dans l’Ouest de la Galilée une opération mili-
taire, connue sous le nom de Ben-Ami, afin de
prendre Saint-Jean d’Acre, qui compte alors
12 000 habitants, ainsi que toute la plaine cô-
tière jusqu’à la frontière libanaise. Saint-Jean
d’Acre tombe devant la brigade Carmeli les 18
et 19 mai. Le gros de la population s’enfuit, et
sur les 5 000 à 6 000 personnes qui restent, beau-
coup sont des réfugiés venus de Haïfa.
10. Force armée sioniste en Palestine manda-
taire, l’Irgoun, dont le nom complet est Irgoun
Zvai Leoumi (en hébreu « organisation militaire
nationale »), est parfois désignée par son sigle
IZL, lu « Etzel », d’où sa désignation commune.
Proche de la droite nationaliste, elle avait pour
objectif la construction d’un État juif sur les
deux rives du Jourdain, qui inclurait l’actuelle
Jordanie. Etzel est créée en 1931 après une scis-
sion de la Haganah. Après 1948, la plupart de
ses membres sont intégrés dans l’armée régulière.
11. Voir John B. Quigley, Palestine and Israël :
A Challenge to Justice, Duke University Press,
Durham (C.), 1990, p. 83. Et aussi Jonathan
Cook, « Pourquoi Israël a occulté l’histoire de
la survie de Nazareth [en 1948] », sur le site
Mondoweiss, janvier 2016. https://mondoweiss.
net/2016/01/silenced-nazareths-survival/ Ce
dernier explique que Nazareth fut une anoma-
lie, une erreur, la ville aurait dû être vidée de sa
population arabe, tout comme d’autres villes
palestiniennes qui sont aujourd’hui en Israël. Il
raconte comment le commandant Ben Dunkel-
man, à la tête de la 7 e Brigade blindée de l’ar-
mée israélienne, transgressa l’ordre de dépeupler
Nazareth. La ville se rendit. Le lendemain, il fut
relevé de son commandement.
12. En 1948, 158 000 Palestiniens étaient restés
au sein du nouvel État israélien. Ils vont recevoir
la citoyenneté israélienne dans les années 1950.
13. Elle regroupe 163 associations, plus de
2 millions de femmes dans le monde au-
jourd’hui. Elles prennent la parole à la Knesset
comme aux Nations unies.
14. Marius Schattner, Histoire de la droite is-
raélienne, de Jabotinsky à Shamir, p. 108 et sui-
vantes. Ed. Complexe, 1991. À propos de l’al-
liance Ben Gourion, Staline, Hitler.
15. Gabriel Gorodetsky, Aux origines du sou-
tien soviétique à Israël, Le Monde Diplomatique,
février 2016.
16. Entretien avec Yukhavit et Benyamin
Gonen, le 13 juin 2018. Dans les années 1970,
il était strictement interdit pour un Israélien,
qu’il soit arabe ou juif, d’entrer en contact avec
Mémoires de 1948
MEMOIRE_PALESTINE_FR.indd 68
20/02/2019 13:37