PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 63

La militante de Nazareth Samira Khbais Khoury, 89 ans Samira N Beyrouth Damas LIBAN Saint-Jean d’Acre Safad Tibériade Haïfa al-Mujaydal Tantoura Jérusalem Gaza Bethlehem Hébron Tel-Aviv Jaffa Ramallah Nazareth Beisan Safuriya Naplouse SYRIE Amman « Mieux vaut mourir de faim chez soi que d’ être un réfugié qui ne sait où s’arrêter. » C’est par ces mots que le père de Samira Khbais Khoury a scellé son destin et celui de toute sa famille en 1948. Il a décidé de rester à Nazareth, coûte que coûte, parce que c’ était là que se trouvaient sa maison, sa terre, même si le plan de partage des Nations unies, de novembre 1947, attribuait la Gali- lée, dont Nazareth est le cœur, à Israël. Rester n’ était pas une décision facile à prendre en 1948, surtout à cause des nombreux massacres perpétrés au vu et au su de tout le monde par les milices sionistes. D’autant que ces massacres étaient utilisés comme de la propagande au titre d’une méthode de la guerre psycholo- gique visant à provoquer l’exode des Palestiniens 1 . Samira fait partie des 10 000 Palestiniens restés à Nazareth (sur les 150 000 n’ayant pas quitté le territoire israélien) qui ont contribué à faire de la ville celle que l’on connaît aujourd’ hui non seulement comme la « fl eur de la Galilée », célèbre pour la visite que fi t l’ange Gabriel à la Vierge Marie, mais encore comme « la principale ville arabe d’Israël ». L’ histoire de Samira la range dans cette catégorie très spécifi que des « Palestiniens de 1948 » que les Israéliens appellent « Arabes israéliens 2 », afi n de les classer ensuite en fonction de leur religion, « ethnie » ou catégorie sociale (chrétien, musulman, druze, bédouin…), autant d’ éti- quettes qui suppriment tout lien avec les Palestiniens de Cisjordanie, de Gaza ou de la Diaspora. La division eff ace ainsi toute représentation mentale d’une unité. Ne pas les reconnaître est un moyen de ne pas voir les Pales- tiniens comme une nation et d’ éviter la question de leurs droits nationaux. Samira est un exemple de ces citoyens qu’Israël consi- dère « de seconde zone » ; ces 1 700 000 personnes qui aujourd’ hui revendiquent l’appellation de « minorité palestinienne » au sein de l’État d’Israël tout en clamant haut et fort le besoin de créer un état palestinien avec Jérusalem pour capitale, la reconnaissance des frontières d’avant la guerre des Six-Jours (1967) et le retour des refugiés. JORDANIE ÉGYPTE LE ISRAËL PROCHE-ORIENT EN 1949 100 km Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été une fi lle indomptable. Insoumise, mais bonne élève. Indocile, mais généreuse. À l’âge de sept ans, en 1936, je récitais toutes les chansons révolutionnaires que mes maîtresses de l’école élémentaire nous apprenaient, et je les suivais volontiers lorsqu’elles fermaient la classe pour aller manifester. Toute la Palestine manifestait ! La Grande Révolte de 1936-1939 3 de Palestine qui était appelée thawra, « révolution », avait commencé à Naplouse, puis elle s’était répandue comme une traînée de poudre de ville en ville, à Jérusalem, à Nazareth, à Hébron, à Bethlehem. Notre école défi lait dans les rues en scandant des slogans contre le mandat britannique ! Hautes comme trois pommes, dans nos jolis uni- formes, nous criions autant sinon plus que les grandes : « Britanniques, allez-vous-en ! Dignité ! Arrêtez de nous traiter comme des mendiants ! ». Nous étions tellement fi ères ! Je l’étais encore davantage en passant devant la boutique de mon père dans la vieille ville, au-dessus de Samira MEMOIRE_PALESTINE_FR.indd 61 61 20/02/2019 13:37