PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 129

si nous étions partis, tout aurait été perdu, que rester c’était résister chaque jour, c’était défendre la langue, la terre. À Ibtin, les usines ont été arrêtées ; les Israéliens voulaient tout nous prendre, ils ont mis en place des lois abusives qui leur permettaient de tout bloquer. La pression venait de toutes parts, l’oncle Taher s’épuisa, il eut une attaque cérébrale qui l’emporta en 1952. Il était notre pilier, la famille ne se releva pas. Après sa mort, nous avons pris un avocat israélien, Ahron Hoter Yishaï 27 , qui nous conseilla de diviser la terre entre les membres de la famille. Nous sommes restés pour pouvoir défendre notre terre et éviter qu’elle nous soit confisquée, nous l’avons cultivée, l’avons louée à des paysans. Les écoles avaient besoin d’enseignants, j’étais l’une des rares diplômées à être restée sur place, je suis devenue professeure d’anglais. Notre maison de la rue Sirkin à Haïfa a été, comme d’autres propriétés de Palestiniens, pla- cée sous la responsabilité de l’administrateur des biens des absents 28 , qui l’a mise à la disposition de nouveaux immigrants juifs. Nous avons reçu la citoyenneté israélienne et notre famille a été considérée comme « absente » par la loi, parce qu’elle s’était réfugiée à Ibtin en 1948 ! L’argument était grotesque, mais il n’a jamais été remis en question. Et pourtant, nous Palestiniens d’Israël, sommes toujours là, parce que nous sommes les pierres vivantes de cette terre. La récolte Souad MEMOIRE_PALESTINE_FR.indd 127 127 20/02/2019 13:38