PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 114

Jérusalem, mosquée al-Aqsa, mosaïques une plante qui, une fois séchée et réduite en poudre, se déguste infusée comme du thé. Cette même helbe servait d’aliment pour les chameaux. Nous possédions une vache et un âne, et élevions des pigeons et des pou- lets pour pouvoir manger de la viande et des œufs. En tant qu’agriculteur, mon père avait une priorité : envoyer ses enfants à l’école. Mon grand frère a eu la chance de partir en Égypte, à l’université d’al-Azhar du  Caire. Quant à moi, à 6 ans j’ai appris à lire et à écrire chez les cheikhs 11 de Beit Tima, un village voisin, puis j’ai continué à l’école élémentaire de Burayr. Pour m’y rendre, je prenais le bus du kibboutz Negba, qui se trouvait près de chez nous 12 . Je payais mon transport, ce n’était pas gratuit. À l’époque, nous vivions en paix avec les chrétiens comme avec les juifs, même avec les étran- gers qui venaient d’Europe pour s’installer dans nos campagnes. Personnellement, je ne suis jamais allé dans les kibboutz : c’étaient des endroits où je ne pouvais pas jouer… mais je sais que nos voisins y trouvaient de bons 112 médecins. Nous cohabitions, échangions, travaillions les uns avec les autres, c’était normal. Mon grand-père était employé comme gardien d’une colonie, et je me souviens de l’un des habitants de Kawkaba qui s’était marié avec une femme juive venue d’Europe… En 1948, lorsqu’il avait fallu partir et trouver refuge à Gaza, elle avait fui elle aussi. Avec lui, comme nous tous. Notre vie a été bouleversée en 1947, cinq à six mois avant la proclamation de l’État d’Israël – que nous appelions et appelons toujours « le territoire de 1948 ». Les sionistes sont allés distribuer des armes 13 dans les colonies mais aussi dans les kibboutz. Et bien sûr, quand les habitants des villages palestiniens l’ont appris, les femmes ont commencé à vendre leurs bijoux en or, les hommes leurs vaches et leurs moutons, pour pouvoir acheter des armes, eux aussi. Les trafiquants vendaient des vieux fusils anglais ou belges datant de la première guerre mondiale. Notre famille n’avait pas de moyens, nous n’en avons acheté qu’un seul, mais les Mémoires de 1948 MEMOIRE_PALESTINE_FR.indd 112 20/02/2019 13:38