PALESTINE Mémoires de 1948 - Jérusalem 2018 | Page 104
Apercevoir la Méditerranée des collines de Fgegis, près de Dura
jour de la conférence il avait décidé, pour des raisons
de sécurité, de changer d’hôtel et de s’y enregistrer sous
un autre nom. Il resta un jour de plus à Rome, histoire
d’acheter des cadeaux à ses enfants, Samaa, Salam,
Dalia et Azza 5 . Mais le 9 octobre 1981 au matin, une
bombe placée sous son lit est activée, mettant un terme
à sa vie et brisant celle de tous ceux, nombreux, qui
l’aimaient.
Dix enfants, c’est un nombre habituel pour une
famille palestinienne dans les années 1930. Moham-
mad et Fatima, les parents de Majed, vivent à Dura, où
la famille possède beaucoup de terres. Dura est connue
pour ses bonnes écoles, la tombe de Noé, ses quarante
mosquées et surtout pour le légendaire caractère rebelle
de ses habitants. Dura où un portrait de Majed dessiné
sur un mur 6 honore aujourd’hui sa mémoire.
La maison familiale est tout en pierre et, du haut
du toit, Majed, deuxième de la fratrie, regarde les col-
lines minérales dont les couleurs rougeoient au soleil
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couchant. Ce qu’il préfère quand arrive le printemps,
c’est cette tiède douceur de laquelle s’exhale un parfum
d’amandes amères. Il aime aussi l’odeur du pain chaud
fourré de figues du jardin. Son père travaille dans les
télécommunications tout en poursuivant des études de
droit à Hébron ; c’est un homme à la fois traditionaliste
et ouvert au progrès qui éduque ses garçons à la dure et
qui tient absolument à offrir une éducation à ses filles.
Déjà enfant, Majed joue au médiateur, intervenant
chaque fois que ses frères se chamaillent avec ses sœurs,
ce qui fait qu’il est le préféré des filles dans la famille.
En 1948, lorsque les Britanniques quittent la
Palestine, les parents déménagent à Jérusalem puis à
Bethlehem 7 , tandis que Majed, placé dans le meilleur
internat de Dura, reste auprès de ses grands-parents.
À treize ans, c’est sa première expérience de liberté.
Quand viennent les vacances, l’adolescent retrouve la
famille chez la grand-mère paternelle à Fgegis, près de
Dura. Là, au sommet des collines d’où l’on peut voir
Mémoires de 1948
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