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Rue des Beaux-Arts n ° 79- Avril – Mai – Juin 2022
marque du mal , alors que dans les deux exemples précédents , elle n ’ est que le déguisement malheureux du bien .
C ’ est ce dernier cas de figure qu ’ on retrouve dans le conte d ’ Oscar Wilde , « The birthday of the infanta ». La jeune infante est belle , mais elle n ’ a pas de cœur , tandis que le nain , qu ’ on a fait venir en l ’ honneur de son anniversaire pour la divertir , comme un animal de foire montré au public ricanant , est un pauvre hère difforme , qui a grandi dans les bois , loin de toute société , et qui ne sait pas qu ’ il est laid . On peut même imaginer qu ’ il se rêve beau , puisqu ’ il ne s ’ est jamais contemplé dans un miroir et qu ’ il croit être aimé de la princesse . Le nain est grotesque , il a vécu solitaire , dans une forêt où même les fleurs se moquent de lui , il ne sait rien du monde et de la société des hommes , et pourtant , c ’ est le seul être vraiment humain du conte . Wilde fait de ce gnome ridicule , qui déclenche les rires sur son passage , le véritable héros de son conte , le seul à ressentir des sentiments de tendresse , de sensibilité et d ’ amour . Le compositeur autrichien Zemlinsky ne s ’ y est pas trompé qui , dans son opéra « Le Nain ( Der Zwerg ) 1 a déplacé le centre de gravité de l ’ oeuvre vers le petit personnage disgrâcié . Le nain contrefait est le seul à mériter de Dieu , comme le Prince Heureux , qui ne devient admirable que lorsqu ’ il s ’ est dépouillé de sa richesse et de sa beauté pour laisser son coeur s ’ emplir de compassion et de bonté . Alors , sa statue – autrefois splendide – n ’ est plus qu ’ ordure et laideur , mais c ’ est à ce moment-là , quand
1 Der Zwerg ( Le Nain ) opus 17 est un opéra en un acte d ' Alexander von Zemlinsky sur un livret de George Klaren d ' après la nouvelle The Birthday of the Infanta d ' Oscar Wilde . Il fut créé le 28 mai 1922 1 au Staatstheater de Cologne sous la direction d ' Otto Klemperer .
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