n°78 | Page 9

Rue des Beaux-Arts n ° 78- Janvier – Février – Mars 2022
Robert Sherard , ami de Wilde et son premier biographe , s ’ est élevé violemment contre cette assertion qu ’ il juge mensongère : « Quand j ' ai lu ces pages de " Si le grain ne meurt ", j ' ai été stupéfait . On n ' a jamais rien écrit de semblable à propos d ’ Oscar . Tout était nauséabond , mais en particulier la partie [...] où on décrit Oscar procurant un garçon à Gide et exultant avec un rire satanique , etc ... Rien d ' aussi mensonger n ' a jamais été écrit . 1 »
Mais Robert Sherard , emporté par son amitié pour Wilde , a souvent manqué de rigueur et d ’ impartialité , et en l ’ occurrence , la balance semble plutôt pencher du côté de Gide , qui n ’ avait aucun intérêt à se calomnier au même titre que son acolyte , en se montrant lui aussi sous un jour peu glorieux , à moins d ’ être animé par le désir de nuire à Wilde , ce dont on peut douter .
Parler d ’ amitié entre les deux hommes me parait donc une interprétation excessive . Des liens les unissaient , sans aucun doute , et Gide , pour sa part , eut un véritable coup de foudre pour Wilde , qui , au moment de leur rencontre , s ’ apparentait au sentiment amoureux au point de lui faire barrer plusieurs pages de son journal du nom de « WILDE ! » en majuscules , plusieurs fois répété , sans compter les pages disparues , parce qu ’ arrachées , où , sans doute , figuraient des confidences trop exaltées . Mais l ’ attraction n ’ était pas réciproque - ou du moins pas de même nature - et l ’ attirance sentimentale violente que le jeune Gide avait tout d ’ abord ressentie , se mua en une fascination douloureuse et terrifiée quand il comprit
1Robert Harborough Sherard : Oscar Wilde twice defended from André Gide ’ s wicked lies and Frank Harris cruel libels – The Argus Book Shop – Chicago - 1933
9