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Rue des Beaux-Arts n ° 78- Janvier – Février – Mars 2022

6 - Traits et trahisons

Par Véronique Wilkin
Parmi tous ceux qui ont caricaturé Oscar Wilde , Max Beerbohm ne fut pas le plus doué , pas le plus veule ou le plus cinglant , stupide ou abject . Ni le plus drôle . Il fut tout cela à la fois , drôle , cinglant et abject , mais jamais stupide . Il possédait une intelligence fine et acerbe , comme son trait et il s ' en servit avec une maestria juvénile pour synthétiser un type : celui du monstre . Et s ’ il n ’ a pas donné corps au monstre , il a fait pire : il lui a donné de l ' esprit .
Cette image là , plus que les autres , s ' est tatouée sur le nom de Wilde ; après plus d ' un siècle elle n ' est pas encore effacée .
Pourquoi cette singularité dans ce qui apparaît comme une déferlante d ’ images ? Les caricatures d ’ Oscar Wilde ont abondé dès les débuts de sa notoriété et ont accompagné chacune des étapes de sa carrière . Elles ont culminé au moment de ses procès , amplifiant une campagne de presse révoltante et un lynchage national . Un lynchage validé de longue date et même approuvé par ceux qui le subissaient par ricochet .
Vaniteux ou conscient de sa supériorité intellectuelle , selon l ’ angle de vue , Oscar Wilde fut une des premières célébrités à comprendre le pouvoir de l ’ image et la sienne n ’ a jamais quitté la presse et donc l ’ imagerie populaire . Il s ’ est appuyé sur une sorte de personnage
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