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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
besoin d ’ elle pour faire dans le village , le bien qu ’ il n ’ a pas fait de son viviant ( elle porte aux pauvres les pierres précieuses et les feuilles d ’ or qu ’ il lui a demandé d ’ arracher à sa somptueuse statue ), l ’ hirondelle accepte jour après jour de retarder son voyage vers des pays plus chauds . Mais voici qu ’ arrivent le gel et la neige , et que le Prince , dépouillé de toutes ses richesses , nu et aveugle , lui demande enfin de partir : « Tu es restée ici trop longtemps . Mais tu dois me baiser les lèvres , car je t ’ aime ». « Ce n ’ est pas en Egypte que je vais , répondit l ’ hirondelle . Je vais à la maison de la Mort . » [...] Et elle baisa les lèvres du Prince Heureux avant de tomber morte à ses pieds ».
Le sacrifice est ici double et réunit celui de l ’ oiseau , qui renonce à la liberté et au bonheur auprès des siens pour demeurer auprès de celui qu ’ il aime , au prix même de sa vie , et celui du Prince , qui finit au rebut après avoir distribué toutes ses richesses , et dont le coeur se brise à la mort de l ’ hirondelle : « Oui , le coeur de plomb venait de se fendre en deux morceaux », car c ’ est pour tous deux un amour partagé qui se sublime dans l ’ oubli de soi et dans l ’ amour de l ’ autre .
S ’ il est aussi question d ’ un coeur brisé dans « L ’ anniversaire de l ’ Infante », l ’ amour n ’ y est , hélas , pas réciproque . Le nain difforme et laid qu ’ on a fait venir au palais du Roi d ’ Espagne pour distraire la jeune infante le jour de son anniversaire , vit lui aussi dans une réalité chimérique . Il a jusque-là habité au fond de la forêt avant d ’ être vendu à la Cour par son père , et ne s ’ étant jamais vu , ignore tout de son physique repoussant et grotesque . Il n ’ est qu ’ un bouffon qu ’ on a fait danser devant la petite princesse et ses jeunes
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