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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
L ’ amour n ’ est presque jamais heureux chez Wilde ( sauf dans ses comédies de salon , mais les sentiments n ’ y sont pas vraiment pris au sérieux ). On retrouve la même fatalité tragique pesant sur les contes , tout spécialement sur trois d ’ entre eux : « Le Prince Heureux », « Le Rossignol et la rose » et « L ’ anniversaire de l ’ infante ». Dans chacun d ’ entre eux , le héros est condamné à mort parce qu ’ il aime jusqu ’ à consentir au sacrifice suprême .
Parce qu ’ il est sensible à l ’ amour de l ’ étudiant pour la fille du professeur , qu ’ il croit voir en lui un « amant véritable », le rossignol est prêt à se sacrifier pour lui permettre d ’ obtenir la rose rouge qui lui ouvrira le coeur de l ’ aimée . Pour cela , il doit presser durant toute une nuit son coeur contre une épine de la rose blanche jusqu ’ à ce qu ’ elle le transperce et se teinte de son sang . De plus en plus fort , de plus en plus profond , poignardé jusqu ’ à la mort . Le Rossignol y consent , tout en sachant qu ’ il se condamne , parce que « l ’ Amour vaut mieux que la Vie , et qu ’ est-ce que le cœur d ’ un oiseau à côté d ’ un coeur d ’ homme ?». Sacrifice inutile puisque la jeune-fille vénale , préférant les bijoux offerts par un autre , jetera la rose au caniveau où elle finira écrasée par une charrette . La douleur , pourtant , fut extrême pour le rossignol , mais il la supporta jusqu ’ au bout car « il chantait l ’ Amour qui trouve sa perfection dans la Mort , l ’ Amour qui ne meurt pas dans la tombe ».
C ’ est la litanie reprise par Wilde dans « Le Prince heureux », son conte le plus célèbre . Là encore , le sacrifice est le fait d ’ un oiseau , une hirondelle qui migrait vers l ’ Egypte pour y passer l ’ hiver et qui s ’ est arrêtée pour se reposer sur le socle de la statue du Prince . Parce qu ’ il est réduit à l ’ immobilité sur son piédestal et qu ’ il a
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