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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
trouvât dans la spiritualisation des sens son plus haut accomplissement . 1 » Il s ’ agit de considérer que la vie se définit par la sensation et que l ’ homme doit tout mettre en oeuvre afin d ’ être en mesure de saisir pleinement chacune de ses sensations et d ’ en chercher toujours de nouvelles . L ’ un des obstacles est celui de l ’ habitude : par la répétition confond des réalités différentes et endort une perception , qui , se croyant en terrain familier , n ’ a plus besoin d ’ être aussi alerte . Elle se trouve endolorie par un monde uniforme qui perd peu à peu ses couleurs et l ’ ensemble de ses qualités . Il faut donc résister à ces habitudes , s ’ en prémunir , par un effort constant de l ’ expérience , par une recherche et une volonté d ’ expérimenter .
L ’ art a donc essentiellement pour fonction d ’ agrandir le champ de nos expériences possibles , d ’ enrichir la gamme des émotions de manière à approfondir toujours notre vie affective . Il offre la possibilité d ’ expériences à vide , déconnectées de toute finalité pratique ou d ’ utilité , et permet de faire l ’ expérience de certaines sensations seulement pour elles-mêmes . Dès lors , l ’ homme doit faire preuve d ’ une attention aigue pour se saisir en permanence des trésors d ’ expériences sensibles qui peuvent s ’ offrir à lui , et qui ne sont pas absentes de la vie réelle mais plus rares , moins pures . C ’ est sur le fond de ce constat que l ’ art bénéficie du rang qui lui est donné , en plus de permettre de vivre telle émotion selon une modalité particulière .
Cela se traduira notamment par le dandysme de Wilde , indiquant qu ’ il a mis son génie dans sa vie et son talent seulement dans son
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O . Wilde , Le Portrait de Dorian Gray , ibid ., p . 473 .
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