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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
échappe . Ainsi , après avoir fait la rencontre de Dorian Gray , Lord Henry rend visite à son oncle Lord Fermor , et l ’ interroge afin d ’ en connaître plus sur le jeune homme . L ’ oncle affirme alors pouvoir rendre compte de tout ce qui se trouve dans le bottin mondain . Lord Henry lui rétorque alors qu ’ il n ’ y figure pas , ou du moins qu ’ il ne relève pas de cet univers , et lui demande de lui parler de ses parents .
Ainsi c ’ est sa biographie complète que va déployer son oncle pour le renseigner sur ce mystérieux personnage . Se substitue ainsi à l ’ identité sociale quelque chose qui relève des origines légendaires , qui propose le récit plutôt que de satisfaire aux éléments élémentaires qui constitueraient l ’ identité . Cela semble bien rendre compte d ’ une identité en excès , qui déborde les attentes ordinaires et le cadre prédéfini supposé définir l ’ identité .
Aux informations jugées utiles par la bonne société se substitue la généalogie mystérieuse et héroïque 1. Ce jeune homme fascinant ne saurait en effet se réduire aux éléments d ’ une carte de visite mais il doit déborder cette identité réductrice pour en proposer une qui soit à la fois plus complexe et plus obscure . On pourra renvoyer ici aux travaux de Ricoeur sur l ’ identité narrative : la conception d ’ une identité dynamique , reconfigurée sans cesse par les moments de notre existence permet de satisfaire à une exigence d ’ unité et de cohérence sans pour autant la réduire à une identité sommaire ou définie une fois pour toutes .
1 On pourra mentionner sur ce point le fait que la mère de Wilde prétendait avoir des origines italiennes , et être la descendante de Dante lui-même .
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