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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
I - Une identité problématique
On soulignera tout d ’ abord le fait que l ’ oeuvre se construit comme un univers artistique autonome et autotélique , tissé de références et d ’ emprunts à d ’ autres oeuvres . Elle rompt ainsi avec une référentialité extra-artistique pour élaborer un monde dont l ’ étoffe n ’ est faite que de renvois intertextuels . On retrouve alors l ’ esthétique de l ’ artifice qui définit l ’ oeuvre de Wilde , aussi bien dans l ’ usage de la citation directe - notamment par les noms des personnages - que dans l ’ emprunt à des intrigues dont il s ’ inspire .
Pascal Aquien 1 a indiqué que les différents personnages du roman renvoient aux noms de personnages d ’ autres oeuvres . On pourra citer , par exemple , Dorian Gray lui-même qui ferait écho au personnage du roman de Disraeli , Vivian Grey ( 1829 ).
C ’ est au même auteur que serait dû le nom de Sybil Vane , en raison du roman Sybil , or The Two Nations ( 1846 ). Enfin , on pourra mentionner la référence à Swinburne et à Lesbia Brandon , à travers le personnage de Lady Brandon chez laquelle Basil Hallward rencontre Dorian Gray .
Le roman met en scène à de nombreuses reprises l ’ idée d ’ une identité fuyante , qui semble renvoyer le héros à une forme d ’ inexistence ou de réalité diffuse qui interdirait de l ’ appréhender . L ’ absence de nom semble témoigner de l ’ absence de singularité du jeune homme aussi bien que de son caractère insaisissable .
1 P . Aquien , « Introduction » à O . Wilde , Le Portrait de Dorian Gray , Paris , Flammarion , 1995 , p . 26-27 .
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