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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
n ’ est pas donnée une fois pour toutes , elle se construit et se transforme tout au long de la vie . » 1 L ’ auteur met ainsi en garde contre une conception de l ’ identité rigide et figée . Lui qui éprouve son identité comme un lieu de croisement , d ’ apports différents est obligé de la vivre comme une identité déchirée : car l ’ impératif d ’ une identité simple implique la nécessité de choisir , d ’ afficher une identité unique , en somme exclusive .
Ainsi , la confrontation fatale du nain avec lui-même mettrait en avant le danger de la coïncidence de soi avec une image ou un aspect de soi , qui tranche avec une identité multiple , constituée au préalable par la pluralité des regards ou des points à travers lesquels il fantasmait son identité . Cela tendrait à montrer de quelle manière Wilde nous invite à penser une identité qui sans cesse s ’ élabore et qui n ’ est pas figée . Il pose la question de savoir si l ’ identité doit être comprise comme délimitée et close ou au contraire ouverte , selon un processus qui ne viserait jamais à la totalisation mais consisterait plutôt en une réélaboration infinie .
Notre étude du Portrait de Dorian Gray visera donc à montrer de quelle manière la question de l ’ identité du héros se pose d ’ abord de manière problématique , comme une identité absente , ce qui en fait une matière artistique offerte au pinceau de l ’ artiste tout comme au discours du dandy . Ils font prendre conscience à Dorian Gray de qui il est par la médiation de l ’ art , si bien qu ’ il sera engagé sur la voie d ’ une identité esthétique , autrement dit d ’ une construction de soi .
1 A . Maalouf , Les Identités meurtrières , Paris , Éditions Grasset & Fasquelle , 1998 , rééd . Livre de poche , p . 31 .
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