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Rue des Beaux-Arts n ° 77- Octobre-Novembre- Décembre 2021
différentes salles du palais . Arrivé dans l ’ une d ’ elle , il croit s ’ apercevoir qu ’ il n ’ est pas seul . Face à lui , se dresse un personnage de petite taille , qui l ’ effraie par sa monstruosité et qui semble reproduire le moindre de ses gestes . Le nain comprend peu à peu , que ce double n ’ est autre que lui-même , une image réfléchie par le miroir qui lui renvoie pour la première fois sa propre apparence . Les invités , pressés de revoir le spectacle fabuleux de la danse du nain , le découvrent étendu sur le sol où il a fini par mourir de désespoir . Alors que son identité n ’ était jusque là fondée que sur le regard enjoué du public , un regard de désir où il se mirait , le nain face à lui-même découvre une identité à la cruelle évidence et refuse son apparence . Dès lors , la valeur même de l ’ autre est requalifiée , passant de l ’ admiration qui était célébration à une simple moquerie que son aspect peut seule susciter .
Plus tard , le Portrait de Dorian Gray va reprendre cette structure dans la mesure où le héros ingénu au début du roman ignore sa beauté . Ce n ’ est que grâce à Basil Hallward et Lord Henry qu ’ il va en prendre conscience , c ’ est-à-dire advenir à lui-même mais de telle sorte que la question de l ’ identité surgit de manière également dangereuse et mortelle . Le nain et Dorian témoignent tous deux de ce que Foucault nommait des procédures d ’ assujettissement , procédures qui aboutissent à une identité imposée de l ’ extérieur et contrainte voire mutilée . La fiction fait ainsi écho à la situation même de l ’ auteur et à un contexte historique précis , celui de la société victorienne et de son carcan moral .
L ’ opposition à la violence exercée sur l ’ identité peut faire écho à ce qu ’ écrit Amin Maalouf dans Les Identités meurtrières : « L ’ identité
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