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Rue des Beaux-Arts n ° 76- Juillet-Août-Septembre 2021
Dans le film Tabou- Gohatto - 御法度 -, de Nagisa Oshima ( 1999 ), le héros , un jeune samouraï à la beauté porteuse de désastre est exécuté par ses supérieurs . Sa mise à mort est figurée par un jeune cerisier en fleur tranché d ’ un coup de sabre . Le film d ’ Oshima est d ’ une beauté glaçante et porte l ' empreinte de Mishima en filigrane . Le script du film aurait pu être le sien : la mort se love toujours dans la Beauté . S ' il faut mourir , que la mort soit la plus belle . Une volonté partagée par Wilde et Mishima mais qui pourtant signe leur ultime différence . Avec Mishima , tout est plus âpre , rude , qu ’ avec Wilde . D ’ un côté le kimono de soie brodée du dandy et de l ’ autre le kimono de coton rêche du pratiquant du Kendo . Le jeu des idées , contradictoires parfois , paradoxales toujours , face au code du samouraï . Et deux destins , particulièrement spectaculaires .
Pour Wilde , l ' histoire et sa morale sont connues ; il a défié la societé victorienne , s ’ est joué de ses codes , a pris des risques et a subi une condamnation ignominieuse . La vulgarité qui accompagna le cataclysme fut pour le rêveur , l ’ apôtre du Beau et des teintes délicates , un surplus de souffrance . Une crue de boue noire recouvrit son monde , une crue ordonnée par un homme vulgaire et violent , le marquis de Queensberry , surgi sur la scene du drame comme l ’ antithèse de tout ce que Wilde avait porté si haut .
La fin d ’ Oscar Wilde ne fut pas celle d ’ un jeune arbre sabré en pleine floraison , mais une mort lente . Sa condamnation n ' eut pas l ' eclat du sabre , mais le sordide d ' une médiocrite qui blesse et ronge .
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