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Rue des Beaux-Arts n ° 76- Juillet-Août-Septembre 2021
comme une continuité aux contours flous , perceptible par fulgurances et aussi soudainement perdue , puis à nouveau là avant que de s ’ effacer , laissant seul devant une indéchiffrable énigme celui qui croit reconnaitre l ’ autre sous un nouveau visage , un nouveau corps . Ainsi , Honda , le personnage principal de la tétralogie , est par instant persuadé que Kyoaki , son frêle et délicat ami de jeunesse est revenu sous les traits d ’ une jeune princesse siamoise Ying Chan puis d ’ Isao , champion de Kendo et idéaliste nationaliste dont le suicide rituel préfigure l ' enchainement des gestes du dernier acte de Mishima . Mais jamais de preuve flagrante , épaisse , ne vient souligner le trouble de Shigekuni Honda , seul le balancement entre le doute et la certitude rythme le foisonnement des quatre romans , même si , ténue et têtue , court la mince rivière où les vies s ’ enchainent . Et Honda la contemple , alors que ses années s ’ ajoutent aux années , avec le regret de ne pas avoir - abrégé le temps à son apogée -, d ’ avoir vieilli et donc failli . Sa méditation à l ’ aube d ’ un nouveau jour fait écho à l ’ obsession de Lord Henry : la jeunesse est le seul bien qui vaille et la vieillesse est le temple des regrets . Pour la préserver , il faut savoir abréger le temps : - Beauté physique infinie . Voilà le privilège particulier de ceux qui abrègent le temps . Juste avant l ’ apogée où il faut abréger le temps se trouve l ’ apogée de la beauté physique- . -Beauté claire et brillante , sachant que la blancheur étincelante de l ’ apogée est juste là , au devant . Pureté de malheur . En cet instant , beauté d ’ homme et beauté de gazelle se correspondent merveilleusement . Alors que pleine de fierté , elle dresse ses cornes , levant le sabot léger d ’ une jambe tachetée de blanc à la face du refus . Repue d ’ orgueil de son adieu , couronnée de la neige blanche des monts …
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