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Rue des Beaux-Arts n ° 76- Juillet-Août-Septembre 2021
sacré vieux de plusieurs siècles qui se reflète dans les eaux calmes d ’ un lac . Image de la Beauté immuable et toujours renouvelée , le Pavillon d ' Or obsède le narrateur qui y voit le miroir inversé de sa difformité , comme Le portrait de Dorian Gray obsède l ' âme avilie du modèle . Le jeune homme va contempler la splendeur du Pavillon d ’ Or sous la lune comme Dorian Gray va contempler son portrait dans la pièce condamnée où il l ' a caché . Et l ' un comme l ' autre ne peuvent se défaire de l ' emprise de leur souffrance secrète qu ' en détruisant l ' image qui les hante . Le Pavillon d ’ Or sera brûlé , le portrait lacéré mais , comme il est dit dans le Koan de Nansen et du chat , rien ne portera atteinte à la Beauté .
- La Beauté était structurée du néant ; et la délicate architecture faite de bois du plus fin grain , tremblait par une sorte de pressentiment du néant , comme tremble au vent une guirlande de fête . Cela n ’ empêchait pas la beauté du Pavillon d ’ Or de n ’ avoir jamais cessé d ’ être ! En tous lieux , en tous temps , elle évoquait de purs échos . Comme un malade affligé de perpétuels bourdonnements d ’ oreille , partout j ’ avais perçu la musique du pavillon d ’ or , et je m ’ y étais accoutumé . Il faudrait la comparer cette beauté , à une clochette d ’ or qui , cinq siècles et demi durant n ’ aurait cessé de tinter _ ou encore à une petite harpe … Et si cette voix se taisait pour toujours .
Dans l ' univers de Wilde aussi , la Beauté est mise à mal , mais sans aucune exaltation de la destruction en tant que telle . Au contraire , la dimension compassionnelle , à travers l ' amour vrai et le pardon , est essentielle . Une vision de la chute et de la Rédemption qui hérissent
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