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Rue des Beaux-Arts n ° 76- Juillet-Août-Septembre 2021
Le flux des images , leur pouvoir de suggestion lié à la rythmique des mots , forme l ' armature d ' une écriture essentiellement visuelle même dans ses développements les plus conceptuels .
Les différents visages de la lune qui éclairent Salomé et les merveilles qu ’ Hérode lui propose en échange de la vie d ’ Iokanaan , la profusion d ’ objets qui entourent Dorian , les bijoux précieux qui ornent la statue du Prince Heureux , les fantastiques découvertes décrites de l ’ âme du jeune pêcheur , tous ces éléments possèdent la même finalité : la poésie irrigue le sens et en révèle la portée symbolique .
Le portrait de Dorian Gray déborde de la présence du monde , car , en bon platonicien , Wilde sait que l ’ accession à l ’ intelligible passe d ’ abord par la contemplation des formes sensibles et que , pour ce faire , la Beauté est la voie royale .
-J’ ai toujours été quelqu ’ un pour qui le monde visible existe- , écrit-il en terminant sa longue lettre à Lord Alfred Douglas -De Profundis . - -Pas seulement le Christ , tous les dieux ont dû s ’ incarner pour être aimé- , confie-t-il à un correspondant . À maintes reprises , il témoigne que , pour lui , le monde est saturé d ’ esprits et que sa matérialité est la marque de sa transcendance .
Une sensibilité qui est très proche de la cosmogonie japonaise qui voit le monde habité par les dieux et les esprits , les kamis . Le rapport sacré avec la nature et sur lequel il revient dans le De Profundis n ’ est pas sans rappeler le shintoïsme .
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