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Rue des Beaux-Arts n ° 75- Avril-Mai-Juin 2021
En arrivant à Naples , avec Bosie , il avait cru à son salut , et que leur histoire d ’ amour allait recommencer , régénérée , dépouillée des scories qui l ’ avaient abîmée . Il croyait encore reprendre une activité artistique . Et en effet , il y travailla à achever son poème , « La Ballade de la Geôle de Reading », commencé à Berneval . Mais on ne reconstruit pas sur la cendre . Wilde était bien conscient de la folie de cette entreprise , comme il l ’ avait écrit à Robert Ross en octobre 1897 : « Ce que j ’ ai fait , je l ’ avoue est fatal , mais il fallait que cela fût fait . Il était nécessaire que Bosie et moi , nous nous retrouvions . Je ne voyais pas d ’ autre vie pour moi » 1
Il n ’ y avait plus rien à espérer . Il ne reprendrait pas sa vie d ’ artiste . Bosie allait le quitter fin novembre . La sublime baie de Naples devenait sordide . C ’ était une mort lente , inexorable , une mort au soleil qui pourrissait tout . Oscar Wilde n ’ est pas mort à Naples , mais ce fut certainement pour lui le début de la fin . Même si la dégringolade avait commencé bien plus tôt , dans le box des accusés , en arrivant en Italie , il gardait encore quelques illusions et des espérances insensées . C ’ est là , dans ce pitoyable naufrage napolitain où l ’ avilissement triompha de l ’ amour , qu ’ il comprit qu ’ il ne restait plus rien à attendre . Il ne serait plus désormais que le second vagabond du siècle , après Verlaine , trainant son corps lourd dans les rues de Paris pendant trois ans encore , jusqu ’ à ce qu ’ enfin , tout finisse dans l ’ exhalaison d ’ un dernier soupir .
Danielle Guérin-Rose
1 Lettres d ’ 0scar Wilde , choix de Rupert Hart-Davis , Gallimard , 1966 et 1994 . p . 459 - à Robert Ross , 1 er octobre 1897 , villa Giudice , Posilippo , Naples ,
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