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Rue des Beaux-Arts n ° 75- Avril-Mai-Juin 2021
à la grâce extraordinaire de son geste quand , à plusieurs reprises , il se leva pour bénir peut-être les pélerins , mais moi certainement » 1
Il est merveilleux qu ’ Oscar , en dépit de toutes les épreuves qu ’ il vient de traverser , se sente particulièrement destinataire de la bénédiction papale , comme si lui , le paria , pécheur entre tous , avait été distingué au milieu des pélerins , qu ’ on lui eût ainsi accordé une grâce toute spéciale . Il ne sera d ’ ailleurs pas loin de croire à un petit miracle quand , s ’ estimant guéri de ce qu ’ il prendra pour une intoxication par les moules , il dira : « la bénédiction du Vicaire du Christ m ’ a remis d ’ aplomb ». 2
Mais la terre d ’ Italie n ’ est pas seulement celle du pape , elle est aussi la patrie de beaux garçons peu farouches . À Naples , où il s ’ est réfugié avec Bosie quelques mois seulement après sa sortie de prison , ils sont là , ces magnifiques éphèbes aux yeux de velours , ces jeunes soldats , ces petits pêcheurs si séduisants qui accordent facilement leurs faveurs , sans faire d ’ histoires . Le film de Rupert Everett , « The Happy Prince » montre comment , dans cette villa Giudice , sur la colline du Pausilippe , dans cette maison italienne à la fois majestueuse et délabrée où on manque de tout , où les rats sont plus nombreux que les visiteurs , les jeunes gens des quartiers pauvres de Naples viennent , pour quelques pièces , offrir leur jeunesse et leur beauté . La jeunesse et la beauté , tout ce qu ’ Oscar a vénéré et sacralisé au long de sa vie . Ce qui fit le sujet de son seul et fameux roman , « Le portrait de Dorian Gray ». C ’ est évidemment au
1 Lettres d ’ Oscar Wilde – Gallimard , Paris – 1966 et 1994 – p . 527 – Lettre à Robbie Ross – 16 avril ( 1900 ).
2 Lettres d ’ Oscar Wilde – Gallimard , Paris – 1966 et 1994 – p . 529 – Lettre à Robbie Ross – 21 avril 1900 .
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