Rue des Beaux-Arts n ° 75- Avril-Mai-Juin 2021
d ’ avance , mais elle est indissolublement liéé à celle de son malheureux et dangereux ami , le fanfaron des vices .
Un peu plus de tenue et ils étaient tous deux des innocents , sinon des hypocrites , qu ’ on n ’ aurait pas osé flageller , au moins dans le monde qu ’ ils fréquentaient et dont l ’ un faisait partie intégralement . Je crois que le monde , le grand comme le petit , est implacable quand on le brave ... Alors , je ne vois pas l ’ intérêt qu ’ il y a , pour la morale , ou pour ce qui peut en tenir lieu , de perpétuer la bravade ... jusqu ’ en 1960 . On peut blâmer les excessifs en littérature de vouloir paraître les héros de ce qu ’ ils racontent , mais les premiers coupables sont , alors , dans ce public mondain qui ne sépare pas les livres et leur auteurs , tient à connaître les secrets de la transposition d ’ art et finit par identifier vice et vertus de la fiction avec ceux qui l ’ ont publiée . C ’ est l ’ enchaînement à la légende qui laisse le héros seulement libre de choisir : ou se faire dévorer par les vautours de la publicité ou briser ses attaches mondaines . Il faut paraître ou cesser d ’ être . Combien de littérateurs trop persuadés de la nécessité de la couleur locale ont préféré se sacrifier eux-mêmes sur l ’ autel de leur célébrité ? Et combien de désolation intense , de chagrin profond ont fini par devenir de ridicules confessions publiques , parce que celui ou celle qui souffraient ne pouvaient pas échapper à la curiosité de leur cénacle ? Et dites-moi quelle est la femme , l ’ amoureuse de lettres qui , se jetant par le fenêtre de son désespoir , ne tombe pas toujours sur un homme , qu ’ elle réussit à écraser tout en se tirant merveilleusement de l ’ aventure ? Il ne fallait pas ouvrir la fenêtre , mais dans le désespoir littéraire il n ’ y a jamais un survivant sans mise en scène et la main droite demeure pour tout noircir .
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