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Rue des Beaux-Arts n ° 75- Avril-Mai-Juin 2021
aphorismes et les paradoxes en tant que pièces centrales de la conversation . À Merrion Square , dans les salons de sa mère , il a vite trouvé une scène et un public pour ses déclarations . Quand Wilde est devenu père , il racontait à ses fils Cyril et Vyvyan , des contes , des histoires d ’ aventures et ses propres contes de fées . Wilde était un vrai “ senachi ,” le nom donné aux légendaires conteurs irlandais . Il a toujours trouvé une foule d ’ amis et d ’ admirateurs pour l ’ écouter . Wilde aimait parler , raconter et faire ressortir les rythmes naturels des phrases . La lecture était pour lui une activité sensuelle : le son d ’ une phrase ou d ’ un vers est tout aussi important que le contenu d ’ un livre . Pour Wilde , la langue était le moyen le plus important pour exprimer ses pensées et ses sentiments . Dans son essai The Critic as Artist ( 1890 ) Wilde avait condamné la littérature traditionnelle avec ses conceptions élaborées et il préconisait un retour au langage musical de l ’ antiquité grecque : “ We must return to the voice ”.
Selon des témoins privilégiés , l ’ œuvre écrite s ’ est avérée être une maigre décoction des originaux oraux et des conversations spirituelles . Les contemporains notaient une grande différence entre les histoires racontées et écrites . L ’ équilibre entre le discours de Wilde et son écriture a été grandement noté par W . B . Yeats , qui émerge comme un biographe très persévérant et perspicace de cet aspect du génie de Wilde . W . Graham Robertson a affirmé que “ when committed to paper , his tales lost much of their charm .” Il rappelait comment “ his stories seemed to grow naturally out of the general conversation and not to interrupt it ; their length was not perceptible and his hearers did not realise how long they had been silent .” Ses écritures acclamées ne seraient qu ’ un faible reflet de ses discours
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