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Rue des Beaux-Arts n ° 74 – Janvier / Février / Mars 2021
Je prie mes lecteurs de conserver tout leur sang froid . Nous sommes ici en révision , non pas d ’ un procès , mais d ’ un procédé et j ’ entends ne pas sortir du simple bon sens , de l ’ éternel droit des gens , de l ’ individu , serait-il à mille lieues des sociétés . Oscar Wilde l ’ a déclaré lui-même : « le fait qu ’ un homme soit un empoisonneur ne signifie rien contre sa prose ». Donc , le fait qu ’ un homme , non comdamné , soit encore soupçonné n ’ entame en rien , à mes yeux , son droit à la justice entière , pour une partie , la partie , noble de sa cause , de son ouvrage . Dans un livre : Oscar Wilde et moi 1, traduit de l ’ anglais par William Claude , Lord Alfred Douglas ne plaide pas en réalité sa cause , une cause perdue d ’ avance , il nous y apprend seulement qu ’ on peut être poursuivi par une malédiction jusqu ’ à la cinquième génération , selon le mot de l ’ Ecriture Sainte . En dehors du nommé Dieu , je ne connais personne qui puisse légalement s ’ arroger ce droit-là ! C ’ est même , je crois , parce que Dieu fut l ’ inventeur du péché originel qu ’ il eut , plus tard , une si mauvaise presse . Le De Profundis d ’ Oscar Wilde , fût-il un chef-d ’ œuvre mutilé , ses mutilations mises en lieu sûr , comme on mettrait quelques membres de fœtus dans une urne d ’ esprit de vin , ont-elles droit de cité , et surtout de citations , devant le tribunal de l ’ avenir , en Angleterre , ce pays si soucieux de la liberté individuelle et qui examine avec tant de soin tous les cas d ’ extradition ? En 1960 ! Vous avez bien lu ? quelqu ’ un ouvrira l ’ urne funéraire où dorment , tels les anneaux tronçonnés d ’ un reptile de pharmacie , les coupures du De Profundis et les lecteurs d ’ Oscar Wilde qui auront oublié à la fois le procès , les plaidoieries et les coupables , ceux-là qui ne l ’ auront même jamais lu , seront appelés à juger de la beauté nouvelle
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Paru chez Emile Paul à Paris
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