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Rue des Beaux-Arts n ° 74 – Janvier / Février / Mars 2021
conventionnelle , une élévation vers le beau . Le dandysme n ’ est pas qu ’ une apparence , c ’ est un état d ’ esprit dans lequel Wilde se reconnait pleinement .
Il n ’ est donc pas étonnant que nombre de ses personnages soient des dandys . Nous en retiendrons quatre : Lord Henry Wotton , du « Portrait de Dorian Gray », Lord Arthur Goring , d ’« Un Mari Idéal », Algernon Moncrieff , de « L ’ Importance d ’ être Constant » et Lord Darlington de « L ’ Eventail de Lady Windermere ». Plusieurs points communs les unissent . D ’ abord , ils appartiennent tous à l ’ aristocratie , au meilleur monde , aux « Happy few » chers à Stendhal . En conséquence , ils sont tous éduqués , sûrs d ’ eux , raffinés , oisifs et flegmatiques . Ils ont de l ’ esprit et du cynisme , et sont armés d ’ une insolence parfois cinglante . Avec , sans doute , un fort sentiment de supériorité sur le commun des mortels . Mais ils ne sont pas pour autant interchangeables .
Dans la distribution Wildienne , nous trouvons un dandy de comédie , désinvolte et dilettante , qui ne prend pas la vie au sérieux , dont la morale élastique ( les mensonges les plus éhontés ne lui répugnent pas ) ne va jamais vers le mal . Algernon Moncrieff est bourré de défauts , mais sa fantaisie le sauve , et son insouciance , sa drôlerie , son humour léger jouent en sa faveur . Pour être francs , nous ne voudrions pas le voir devenir une bonne âme : « J ’ espère que vous ne menez pas une double vie en faisant semblant d ’ être un débauché alors qu ’ en fait , vous êtes vertueux . Ce serait pure hypocrisie », dit la charmante Cecily , tout aussi inconséquente . Algernon Moncrieff est sûrement le moins sérieux , mais le plus amusant , le plus charmant des dandys wildiens .
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