Rue des Beaux-Arts n ° 74 – Janvier / Février / Mars 2021
la décadence ». Suivront Barbey d ’ Aurevilly , Robert de Montesquiou , Villiers de l ’ Isle Adam et bien d ’ autres . Les dandys envahissent aussi la littérature . Les « lions » de Balzac , comme Eugène de Rastignac , Lucien de Rubempré ou Henri de Marsay , sont des dandys . Chez Huysmans , Jean des Esseintes pousse le dandysme dans ses derniers retranchements . Plus tard , on retrouvera , chez Proust , dandy lui-même , des personnages animés d ’ un dandysme plus discret comme l ’ élégant Swann ou le fringant Robert de Saint-Loup dont le dandysme doit beaucoup au port du monocle . Sans oublier , bien sûr , le terrible Baron de Charlus , esthète narcissique et frénétique , qui domine La Recherche de son arrogance aristocratique .
Et Wilde ? On sait qu ’ il forgea essentiellement son dandysme à Oxford . Dans sa famille , on ne l ’ était guère . Son père , le docteur William Wilde était réputé pour ses tenues négligées , se cheveux hirsutes et ses ongles noirs . Sa mère , tenait plutôt de la diva d ’ opéra , de la reine de tragédie , avec tous les excès qui en découlent . D ’ ailleurs , on n ’ envisageait pas les femmes en dandys . Mais à Oxford , avec John Ruskin et Walter Pater , avec William Morris aussi , et sous l ’ influence des peintres préraphaélites , voici qu ’ il trouve sa voie , et c ’ est celle du Grand Style . Il aime faire parler de lui , choquer par ses attitudes et ses tenues excentriques , poser au nonchalant , à l ’ esthète et au décadent . Mais tout ceci n ’ est pas qu ’ un simulacre , ni une simple comédie visant à la célébrité . L ’ esthétisme , et son corollaire , le dandysme , correspondent parfaitement à la nature profonde de Wilde , à ses aspirations à la création , à sa volonté de faire de sa vie une œuvre d ’ art . Car le dandysme ne se résume pas à un simple désir d ’ élégance extrême , de recherche dans la mise , de raffinement dans le style , c ’ est aussi un élitisme de l ’ esprit , une entrée en résistance contre la morale
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