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Rue des Beaux-Arts n ° 74 – Janvier / Février / Mars 2021
L ’ homme qui se préparait à mourir s ’ appropriait Salomé .
Une usurpation sacrilège ? Si oui , la prédation littéraire était de bonne guerre ; Oscar Wilde n ' affirmait-il pas signer de son nom les textes des auteurs qu ’ il aimait ?
À Robert Ross qui lui faisait remarquer certains emprunts , il rétorquait : -Lorsque je vois une belle tulipe dans un jardin , je fais pousser la même dans le mien , avec des pétales en plus- . La provocation recélait sa vérité : un véritable artiste est incapable de copier et s ’ approprier l ’ œuvre du maître est la plus haute forme d ’ hommage d ' un disciple .
Mais pour Mishima il n ' était plus question de copier ou de créer mais de devenir Wilde . Il métamorphosait son visage pour le fondre avec celui de la divinité .
Jeune , Mishima avait aimé et vécu la littérature en Oscar Wilde avec le mysticisme de ceux qui aiment et vivent en Dieu . Cette passion univoque avait mal tourné . Dans sa maturité la relation s ' était envenimée de ressentiment , de rejet et d ' obsession .
Il ne fallait pas transiger avec l ' image pieuse qu ' il avait peinte de son amour de jeunesse , son plus intense amour , avec Radiguet et Cocteau , mais ces deux là , il était parvenu à les mettre à distance ; Wilde non , il
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