Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
trop, que vous avez ensemble de si agréables conversations
inconvenantes ». En effet, Wilde, par exemple, lui parlait
volontiers du livre de Rachilde « Monsieur Vénus » qui, d’après
Raffalovich, l’avait passablement émoustillé, au point que ce
dernier avait été choqué. Les choses se gâtèrent encore quand
Raffalovich publia un mauvais roman « A Willing exile » où il
représentait le cercle Wilde sous des traits déplaisants. De son
côté, Wilde ne se gênait pas pour dire « laid comme
Raffalovich » (et en effet, on prétendait que sa mère l’avait envoyé
à Londres pour ne plus le voir, car sa laideur la dérangeait).
C’est sans doute cette dégradation progressive de leur relation
qui finit par aboutir au réquisitoire de « l’Affaire Oscar Wilde »,
dont nous reproduisons un extrait, et qui dresse un portrait
sans concession de son ancien ami au moment même où celui-ci
va tout perdre.
« Mais la tragédie qui a Oscar Wilde pour titre est d’une autre
nature. Oscar Wilde a été encouragé, toléré par la société
anglaise. On l’appelait une institution. Il s’est détraqué de plus
en plus, et sous l’empire de la vanité et de l’impunité, il en était
arrivé à la vie la plus audacieuse et la plus dangereuse pour la
salubrité publique comme pour lui.
Il a été victime de lui-même, de la société et de ses amis. Si on le
plaint dans sa grande infortune, on se souvient aussi qu’il a été
un danger national ; sans cela, s’il avait uniquement été un
perverti cérébral soupçonné de perversions sexuelles et attrapé
par la police, son cas ne mériterait pas une étude aussi
approfondie. L’affaire Oscar Wilde considérée gravement est
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