Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
parties dans plusieurs langues était une pratique courante à
l’époque, mais les obliger à apprendre deux parties musicales
différentes pour le même opéra aurait empêché Salomé d’être joué en
France aussi souvent que Strauss le voulait. Une autre raison était
la question s’il avait réussi à créer ‘un authentique opéra français’.
De nombreux critiques contemporains ont complètement ignoré ses
efforts pour écrire le texte français et se sont plutôt concentrés sur
ses innovations musicales. Les critiques des revues musicales
parisiennes les plus influentes n’étaient pas optimistes quant aux
paroles. Pour eux, Strauss n’avait pas capturé la musicalité de la
langue française ou du texte de Wilde. Il est raisonnable de croire
que Strauss a retiré Salomé parce qu’il n’a pas réussi à saisir la
musicalité inhérente à la langue de la pièce originale. D’autre part,
Petra Dierkes-Thrun soutient que le style de la musique de Strauss
correspond plus efficacement aux aspects décadents du texte de
Wilde qu’on ne le pensait auparavant. 1
Après sa première représentation au Met le 22 janvier 1907, le
Metropolitan Opera Board annula les autres représentations de la
Salome allemande malgré le succès retentissant de la soirée
d’ouverture. Le Met n’a repris Salome qu’en 1934, bien que les New-
Yorkais aient l’occasion de voir l’opéra dès 1909 à Oscar
Hammerstein’s Manhattan Opera House. Là, le 28 janvier 1909, la
soprano Mary Garden chanta la première de la version française de
Marliave sous la baguette de Cleofonte Campanini. Mary Garden a
été l’une des premières Salomés à ne pas avoir besoin d’une
remplaçante pour La Danse des sept voiles. Le succès était énorme.
1 Petra Dierkes-Thrun, “‘The Brutal Music and the Delicate Text’? Richard Strauss’s Operatic Modernism in Salome,” in:
Salome’s Modernity. Oscar Wilde and the Aesthetics of Transgression, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2011, p.
56-82.
70