Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
formelle n’existe que Wilde puisse avoir participé à ce travail
collectif. Le masque ici, en tout cas, est couvrant. Il ne laisse
apparaître aucune partie du (ou des) visage(s). Qui l’a écrit ? Le
mystère reste complet. Personne jusqu’ici n’a réussi à démasquer
les coupables.
On peut penser qu’après la révélation du scandale, Wilde n’avait
plus rien à cacher. Et pourtant, il allait encore porter un masque
ultime, destiné, celui-là, à se protéger, à se glisser dans un
anonymat salvateur. Sebastian Melmoth fut le dernier fantôme
derrière lequel il s’abrita. Ce n’était pas cette fois, pour exercer sa
vérité intime, mais pour échapper à la réprobation d’un nom qui
ne lui valait plus qu’insultes et crachats. Un masque emprunté à
un saint sensuel et magnifique et à un roman gothique écrit par
son grand-oncle. La réunion du mysticisme et de la malédiction
l’accompagna dans sa solitude, avec tout de même, caché sous
cette association bénigne, encore l’affirmation de soi, puisque ce
saint et sa beauté torturée appartiennent au musée iconique du
monde homosexuel, et que Wilde, sous ce dernier déguisement,
proclame toujours une vérité qu’il ne veut pas renier et
l’enracinement en marge de sa personnalité hors-norme.
Danielle Guérin-Rose
7