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Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020 Un authentique opéra français, pas une traduction Dans le livret allemand, Strauss avait supprimé plus de la moitié du texte de la pièce (dans la traduction de Lachmann) pour affiner et dramatiser l’action. La langue française de Wilde dans Salomé était souvent répétitive et idiosyncratique. Tout en regardant avec sympathie la volonté de Strauss d’être fidèle à l’original français de Wilde, Rolland a proposé de nombreux changements, considérant que le style français d’Oscar Wilde n’était pas d’un bon niveau littéraire. Il a estimé que plusieurs phrases répétitives de Wilde telles que “il va arriver un malheur” devraient être éliminées du livret. Strauss a refusé de le faire. Pour lui, une telle répétition avait un sens musical, fournissant un leitmotiv (ce court motif mélodique, harmonique ou rythmique, très caractérisé, servant à illustrer ou à individualiser, au cours d’un drame lyrique, un personnage, une idée ou un sentiment, effet musical rendu populaire en Allemagne par Richard Wagner). Strauss, qui a suivi certaines des corrections grammaticales suggérées par Rolland, a refusé de modifier les anglicismes de Wilde ou d’exclure les répétitions. Il faut donc mettre au crédit de Strauss d’avoir maintenu, à quelques exceptions près, l’original de Wilde contre les rectifications suggérées par Rolland : “La plupart des cas que vous avez annotés « mal français », se trouvent mot à mot dans l’original de Wilde, et j’ai cru ne pas avoir le droit de corriger les anglicismes de Wilde. Les nombreuses répétitions: il va arriver un malheur, etc., se trouvent aussi dans le texte de Wilde, et même répétées bien plus souvent, elles appartiennent presque à son style, de sorte que je n’ai pas voulu les éviter complètement et que je les ai conservées çà et là.” En 64