Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
L’aide de Romain Rolland était importante pour réaliser cette tâche
difficile, car un texte de prosodie très différent devait être adapté à la
musique. À plusieurs reprises dans ses lettres à Rolland, Strauss a
insisté sur le fait qu’il devait saisir l’essence du texte de Wilde. Ses
questions constantes concernant les accentuations mutables, les
syllabes muettes et l’ordre correct des mots soulignent que Strauss
croyait que cette essence résidait dans les spécificités de la langue de
la pièce et, en particulier, le son de cette langue. Les difficultés
d’adaptation des lignes vocales de Salome à la langue française se
sont centrées sur le principe de la déclamation française chantée et
sur les désinences muettes. Rolland conseilla à Strauss d’étudier les
parties vocales du Pélléas et Mélisande de Debussy, un rare exemple
de prosodie presque inchangée par la mise en musique. Strauss
suivit consciencieusement ce conseil, mais critiqua cette partition
post-wagnérienne en raison de son manque d’accord entre le mot
accent et l’accent musical. Strauss était prêt à apprendre et il laissa
Rolland lui apprendre les différences entre les phrasés allemand et
français. Il fut déconcerté par la multitude des façons d’accentuer le
même mot de différentes manières. Après trois mois de dur labeur, il
avait adapté tout le phrasé des lignes de voix au texte français de
Wilde, et Rolland corrigeait la partition pour lui. Les changements
dans la composition qui, par exemple, étaient nécessaires pour
transformer des phrases telles que "Wie schön ist die Prinzessin
Salome heute Nacht!" en "Comme la princesse Salomé est belle ce
soir!" étaient considérables. L’adaptation respecterait l’orchestration
existante mais rectifierait la ligne vocale en fonction du texte original
en français de la Salomé de Wilde. La partition finalement publiée en
français est en grande partie due à la patience et à la diplomatie de
Rolland.
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