Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
seulement un écrivain connu mais aussi un des critiques culturels
français les plus renommés. Les deux hommes ont fait
connaissance en 1891 au cours d’un dîner à Wahnfried, la maison
de la famille Wagner à Bayreuth. Son enthousiasme pour les poèmes
symphoniques, en particulier Une vie de héros, de Strauss, a poussé
Rolland à écrire une lettre appréciative à Strauss le 14 mai 1899 qui
a initié une amitié principalement épistolaire durant plus de vingt
ans. La nature des lettres offre une preuve de la grande estime que
se portaient les deux hommes. La majorité des lettres ont été écrites
à l’époque où Strauss était le plus actif en tant que compositeur
d’opéra. Vingt-deux lettres, datées du 5 juillet 1905 au 14 mai 1907,
concernent l’opéra Salomé de Strauss. Pendant cette période Strauss
exposa plusieurs des raisons qui avaient motivé son projet. L’une
des raisons principales a certainement été le vif désir d’être joué à
Paris, capitale culturelle toujours recherchée, comme elle l’avait été
pendant la vie de Wilde. Le compositeur pensait à l’Opéra-Comique:
“Je crois que Salomé conviendrait beaucoup à l’Opéra-Comique.
C’est pourquoi je voudrais lui donner comme base une parfaite
adaptation de la musique au texte français!” Son but se révéla être
moins une traduction chantée convenable qu’un véritable opéra
français : “Comme le texte original de la Salomé de Wilde est en
français, je voudrais réaliser une édition française de mon opéra tout
à fait spéciale, qui ne donne pas l’impression d’une traduction, mais
d’une véritable composition de l’original. … Cela doit devenir un
authentique opéra français, pas une traduction !!!”, écrit Strauss le 9
septembre 1905.
La patience et la diplomatie de Rolland
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