Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
divertissements de Cour. Masques pour jouer double jeu, pour
devenir autre et pourtant rester soi, masques de
métamorphoses. Masques de chirurgien aussi, de bloc
opératoire, masques qui protègent de l’épidémie, comme ceux
dont on se cache aujourd’hui le visage, carré de toile, fragile
barrage pour fuir la mort qui rôde. Car tous les masques ne
sont pas séducteurs ou charmants, tous ne sont pas faits pour
la fête et le travestissement. Certains sont graves et certains
effrayants, mais tous, s’ils laissent passer le regard et la parole,
annihilent les traits, escamotent une partie du visage. Le
masque voile, mais il dévoile aussi. Il fair voir alors même qu’il
occulte. Nous connaissons tous le célèbre axiome d’Oscar Wilde
dans son essai « Intentions» : "Un masque raconte beaucoup
plus qu'un visage. C’est lorsqu’il parle en son nom que l’homme
est le moins lui-même; donnez lui un masque et il vous dira la
vérité".
Wilde était-il davantage lui-même quand il portait un masque ? Et
quand, au juste, se dissimulait-il ? Etait-ce quand il jouait le rôle
d’époux et de père de famille, ou quand il échappait aux
conventions bourgeoises pour satisfaire ses passions ? Dans lequel
des cas était-il vraiment lui-même ? Sauf avec ceux de son cercle
resserré, il portait le masque que lui imposait la Société. Sa vie
dans le monde était une imposture où il montrait un visage qui
n’était pas le sien. Certes, il était provocateur et laissait échapper
des indices compromettants, mais la vérité n’éclatait jamais tout à
fait au grand jour. Même ses meilleurs amis hétérosexuels
n’étaient pas dans la confidence. Pierre Loüys, farouche amateur
de femmes, tomba des nues quand il réalisa, assez tard dans son
amitié avec Wilde, quels liens particuliers l’unissaient à Lord Alfred
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