Rue des Beaux-Arts n° 73 – Octobre/Novembre/Décembre 2020
6 - Reprises, récupérations, réécritures
et transformations dans
Salomé d'Oscar Wilde 1
Par Emmanuel Vernadakis
Manifestement, le très beau talent dont témoigne la Salomé
de M. Oscar Wilde se dégrade par un manque total de
personnalité. M. Oscar Wilde emprunta à Leconte de Lisle la
majesté des images, à Gustave Flaubert la pompe du
discours, à Théodore de Banville le luxe des épithètes, à
Villiers de l'Isle Adam le lointain du mystère sous la
splendide transparence du Verbe, et il tient de Maurice
Maeterlinck cette façon, comme un peu hagarde et hébète,
de dire plusieurs fois la même parole, de radoter la même
phrase, moyen qui fut toujours facile et qui va devenir
banal, d'exprimer l'incertitude, la puérilité peureuse (...)
nous voici en présence tout simplement d'un pastiche
d'autant plus visible et saisissable que ce petit drame fut,
par l'auteur lui-même, écrit en langue française. 2
Les termes qui décrivent ici le drame symboliste d'Oscar Wilde le
lendemain de sa première, au théâtre de l'Œuvre, à Paris le 11
février 1896, instruisent un procès que Catulle Mendes fait aux
reprises et récupérations de celle-ci. Ironiquement, le talent dont
témoigne cette pièce résiderait, selon ce critique, dans l'habilité de
Wilde à construire avec le génie des autres. Salomé serait, selon
Mendès, une œuvre sans originalité, de l'ordre du déjà vu. Une
1 J'adresse mes remerciements à Danielle Guerin qui m'a fourni plusieurs
informations reprises dans cette étude.
2
Catulle Mendès, L'Art au théâtre, II, Paris: Fasquelle 1896, p. 47.
20