Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
sont moins que satisfaisantes. Comparez les éléments gothiques
contenus dans « Le Portrait de Dorian Gray » avec la façon dont
Kipling transmet l’horreur de manière concrète. Etant donnés les
sujets traités par Kipling, il ne fait aucun doute que Wilde, à sa
place, aurait, dans sa prose, exacerbé les couleurs du soleil
couchant. Kipling, dans sa jeunesse, avait imité Wilde qui le
remercia par une critique qui traitait de haut sa nouvelle Plain Tales
from the Hills. On considère généralement cela comme un coup
réussi donné à Kipling, mais malgré toutes ses prudentes
ambiguités, c’est l’illustration d’un manque de sensibilité chez Wilde:
« Pour nous émouvoir, le romancier moderne doit créer un décor
absolument nouveau ou nous découvrir l’âme humaine dans ses
rouages les plus intimes. La première de ces conditions est
actuellement réalisée par M. Rudyard Kipling. [Wilde se réservait
clairement la seconde]. En tournant les pages de ses Simples
contes des Collines, on a l’impression d’être assis à l’ombre d’un
palmier, et de lire la vie à la lueur de superbes éclairs de vulgarité.
Les couleurs vives des bazars éblouissent. Les Anglo-Indiens
exténués et médiocres forment avec leur environnement un
contraste merveilleusement incongru. L’absence même de style du
conteur donne un étrange réalisme journalistique à son récit. Du
point de vue littéraire, M. Kipling est un génie qui s’exprime en
mauvais style. Du point de vue de la vie, c'est un journaliste qui
connaît la vulgarité mieux que quiconque. Dickens en appréciait
le vêtement et la comédie ; Monsieur Kipling en sait l’essence et le
sérieux. C’est notre plus haute autorité sur une société de
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