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Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020 permettre les chansons françaises. Les gens semblent toujours penser qu’elles sont inappropriées »). Une visite au Salon amena Kipling devant le tableau de Pascal Dagnan-Bouveret, représentant des Grieux agenouillé devant le corps de Manon Lescaut. Plus tard, cette image ressurgira dans “La lumière qui faiblit”, comme ‘a sort of inverted, metagrobolised phantasmagoria’ (« “une sorte de fantasmagorie inversée et métagrobolisée”) sur Manon. Les polysyllabes crachotantes, rares chez Kipling, témoignent peut-être de son malaise face à une proposition si intellectuelle que son inconscient avait dû se nourrir d’une œuvre ancrée dans un roman et un tableau français (le nom des Grieux apparaît dans le roman érotique Teleny, attribué au moins en partie à Wilde). Sa visite de 1898 incita Kipling à relocaliser Paris comme autre site, de manière radicale. I hold it truth with him who sung Unpublished melodies, Who wakes in Paris, being young, O' summer, wakes in Paradise [Je détiens la vérité, avec celui qui a chanté des mélodies inédites, Qui s’éveille à Paris, étant jeune, d’été, se réveille à Paris.] Wilde aurait pu approuver, mais sa propension à préférer la sensation à la raison, le symbole au fait, l’a éloigné de Kipling. « Je me refuse à tout savoir sur la pêche à la morue » disait-il à propos de « Capitaines courageux ». Les deux lignes de Kipling que Wilde louait : « Et l’aube se lève comme le tonnerre » et « Il foulait la bruyère comme un daim au printemps, et il ressemblait à une lance au repos » : ("And the dawn comes up like thunder" and "He trod the 80