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Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020 insister également sur la fascination scopique que suscite le portrait et souligner le fait que, comme le dit Lacan, « dans le champ scopique, [...] je suis regardé, c'est-à-dire [que] je suis tableau » ; en effet, ce qui me « détermine dans le visible, c'est le regard qui est au dehors. C'est par le regard que j'entre dans la lumière, et c'est du regard que j'en reçois l'effet » 1. The Portrait of Mr. W.H. est le quatrième volet de la tétralogie consacrée à la question du portrait, cette fois-ci révélateur d'une vérité à la fois essentielle et douloureuse, et probablement à la source de toute l'esthétique wildienne : l'artiste est un faussaire. Voici, très rapidement, le résumé de ce texte, mi-essai minouvelle. Le narrateur, anonyme, entend parler par son ami Erskine de la théorie de Cyril Graham sur les sonnets de Shakespeare. Graham est persuadé que W.H. est un jeune acteur dont le prénom, Will, se dissimule dans les sonnets CXXXV et CXLIII, et dont le patronyme, Hughes, s'entend dans le sonnet XX. La théorie est belle, mais les preuves manquent. Aussi, quelque temps plus tard, Graham revient-il, triomphant, avec la preuve manquante : un coffre de l'époque élisabéthaine, sur un côté duquel est cloué le portrait d'un jeune homme, avec l'inscription « Master Will. Hews ». Erskine rend les armes jusqu'à ce qu'il apprenne par hasard que le tableau est un faux. A la suite de cette découverte qui le désespère, Graham se tue. Il laisse aussi une lettre à Erskine, où il affirme que si la preuve 1 Jacques Lacan, Séminaire XI, Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 98. 47