Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
pacte satanique, a vécu, intact, pendant cent-cinquante ans. On
fera aussi mention de deux nouvelles de Hawthorne, « Edward
Randolph's Portrait » et « The Prophetic Pictures », parues dans
le volume Twice-Told Tales (1837), et d'une nouvelle de Gogol,
« Le Portrait » (Récits de Petersbourg, 1839). Au centre de
l'intrigue du premier récit de Hawthorne se trouve un portrait si
dégradé par le temps et la saleté que ses traits ne sont pas
identifiables. Ce tableau se trouve chez le gouverneur d'une
province ; or, après que celui-ci eut pris une décision haïe du
peuple, les traits devinrent lisibles et révélèrent le visage du
gouverneur détesté. Dans « The Prophetic Pictures », non
seulement l'expression du portrait d'une jeune femme se modifie
mais, au contact du tableau, le modèle prend l'expression de
l'image qui le représente : ce que dit Hawthorne, bien avant
Wilde, c'est que l'art imite la vie. Enfin, dans la nouvelle de
Gogol, non seulement un personnage survit dans les yeux de
son portrait, mais encore, à la fin de l'histoire, le propriétaire du
tableau meurt dans des circonstances étranges qui paraissent
annoncer les derniers mots du roman de Wilde :
Son cadavre était effrayant. On ne retrouva rien de ses
immenses richesses ; mais à la vue des débris lacérés de
tant de nobles œuvres dont la valeur dépassait plusieurs
millions, on comprit le terrible usage qu'il avait fait de sa
fortune. 1
1 Nicolas Gogol, Récits de Petersbourg, Paris, GF-Flammarion, 1968, p. 184. Sur la
question des influences, voir P. Aquien, introduction au Portrait de Dorian Gray, Paris,
GF-Flammarion, 1995, pp. 10-21, et aux Œuvres d'Oscar Wilde, Paris, Gallimard,
« Bibliothèque de la Pléiade », 1996, pp. XVIII-XXXIV.
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