Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
d'Intentions, les toiles de Corot ont créé les brumes qu'elles
prétendent représenter, et la nature a fait de son mieux pour
fournir à Holbein et Vandyck les modèles dont ils avaient besoin
pour leurs portraits (« Life with her keen imitative faculty set
herself to supply the master with models » 1), idée dont Proust se
ferait l'écho quelque temps plus tard en prétendant que les
femmes commençaient à ressembler à des Renoir.
Maintenant, la critique : pour des raisons en partie
conjoncturelles (sa querelle avec Whistler), Wilde met en place
une hiérarchie entre les arts. Aussi affirme-il dans « Mr
Whistler's Ten O'Clock » que le poète, et non le peintre, ainsi que
le prétendait Whistler, est l'artiste suprême. Il affirme même
dans « The Decay of Lying » que la plupart des portraitistes
modernes sont voués à l'oubli 2, parce que, argu-mente-t-il en
citant une phrase de George Sand extraite d'une lettre adressée
à Flaubert : « L'art n'est pas seulement de la peinture. La vraie
peinture est de l'âme qui pousse la brosse » 3. Il revint quelques
années plus tard sur sa défiance à l'égard du peintre dans « The
Critic as Artist », allant jusqu'à considérer que « the painter is so
far limited that it is only through the mask of the body that he
can show us the mystery of the soul » 4,ce dont The Picture of
Dorian Gray est la flamboyante illustration. Dorian Gray illustre
1
2
« The Decay of Lying », op. cit., p. 1083.
Ibid., p.1089.
3 Dans un article consacré à la correspondance de George Sand (Letters of a Great
Woman, Pall Mall Gazette, 6 mars 1886) ; ce texte est cité dans Oscar Wilde, Aristote à
l'heure du thé et autres essais, traduit et préfacé par Charles Dantzig, Paris, Les Belles
Lettres, 1994, p. 167.
4 « The Critic as Artist », Intentions, Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 1128.
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