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Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020 And white throat whiter than the breast of Love [...]. 1 Le « blond garçon » dépeint dans ces vers en des termes convenus et plats (« hair of gold », « longing eyes », « pale cheeks ») n'est que l'un des nombreux portraits de jeunes gens idéalisés qui hantent l'œuvre de Wilde. On soulignera le caractère caricatural de l'idéalisation, à la fois projection de l'idéal du moi héritier du narcissisme primaire et ici construction simpliste, que Wilde reprendra à la lettre dans son portrait de Dorian. La beauté angélique de Dorian est stéréotypée (là encore : yeux bleus, cheveux blonds, lèvres vermeilles) et met en œuvre un processus de fétichisation du corps recouvert de signes, dont on comprend qu'ils sont nécessaires au désir, celui des autres personnages pour le jeune homme, ou celui de Wilde pour les jeunes gens. La récurrence des mots « or » ou « doré » pour décrire Dorian est d'ailleurs particulièrement significative au sein de l'ensemble de l'œuvre wildienne, celle-ci étant fondée à la fois sur une esthétique de la transmutation de la boue en or et sur la crainte, et l'attente, de voir la première resurgir. Wilde et la peinture Face à la peinture, l'attitude de Wilde est double, à la fois élogieuse et critique. L'éloge, d'abord : selon lui, l'art féconde la vie de ses images, et la vie imite l'art. De plus, si la vie est un miroir, c'est un masque que ce dernier nous présente. En fait, c'est la vie le miroir et l'art la réalité. Comme l'écrit l'auteur 1 « Wasted Days », Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 775. 27