Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
plus, estime-t-il à la suite de Gautier et Whistler, l'art est
inutile ; enfin, la forme détermine le contenu et non le contraire.
Wilde renverse ainsi la proposition d'Hippolyte Taine (ce n'est
pas l'époque qui modèle l'art, mais l'art qui donne à l'époque son
caractère) et il rend à l'art le pouvoir que les poètes romantiques
lui attribuaient : celui de légiférer. Fort de ce principe, Wilde
revendique l'esthétisme, estimant dans « Decay of Lying » que
l'art n'exprime jamais rien d'autre que lui-même. L'écrivain est
l'artiste suprême : le poète est le maître des mots, ceux-ci
s'appelant les uns les autres, voire se faisant l'écho les uns des
autres, ce dont Wilde rend compte dans l'abondance gratuite de
descriptions et de choix lexicaux qui ne valent parfois que pour
le « plaisir du texte » qui s'y manifeste.
Le poète est aussi le maître de l'idéalisation, et l'intérêt de Wilde
pour la représentation de l'être humain, et en particulier de
l'éphèbe, en est l'un des éléments principaux. Cet intérêt se
traduit par une esthétisation des garçons transmués en objets
d'art, comme dans cet extrait de « Wasted Days », poème de
jeunesse inspiré par un pastel de Violet Troubridge ( 1877) :
A fair slim boy not made for this world's pain,
With hair of gold thick clustering round his ears,
And longing eyes half veiled by foolish tears
Like bluest water seen through mists of rain ;
Pale cheeks whereon no kiss has left its stain,
Red under-lip drawn in for fear of Love,
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