Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
souvent. Il ne peut y avoir que du bon chez quelqu’un de si
attentionné pour un malade, et qui délaisse les plaisirs de
Londres pour aller s’asseoir au chevet d’un lit de douleur ». (Acte
II). Bunbury se prête à tous les dévouements et se plie à la
volonté de son concepteur en acceptant sans un mot de passer
de vie à trépas à l’acte III quand Algernon décide qu’il n’a plus
besoin de son homme de paille et qu’il annonce sa mort
soudaine à sa tante, Lady Bracknell : « J’ai tué Bunbury cet
après-midi. Je veux dire, ce pauvre Bunbury est mort cet aprèsmidi.
» - Lady Bracknell : « De quoi est-il mort ? » - Algernon :
« Bunbury ? Oh, il a totalement volé en éclats. – Lady Bracknell :
« Volé en éclats ? A-t-il été victime d’un attentat
révolutionnaire ? » [...] – Algernon : « Les médecins ont découvert
qu’il ne pouvait pas vivre, voilà ce que je veux dire... alors,
Bunbury est mort » - Lady Bracknell : « Il semble voir eu une
grande confiance dans l’opinion des médecins. Toutefois, je suis
heureuse qu’il se soit enfin décidé à adopter une ligne de
conduite claire, et qu’il ait agi sur avis médical autorisé ».
Requiescat in pace. Bunbury, dont on n’a jamais appris la
nature de la maladie, s’est sacrifié sur l’autel de l’amour qui va
unir Algernon et Cecily en s’éparpillant dans les airs purement
et simplement, sans barguigner.
Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir servi d’alibi au péril de sa
vie. Jack, l’ami d’Algernon, a bien failli lui aussi sacrifier le frère
qu’il s’est inventé (pour les mêmes raisons) et qui est devenu
encombrant : « Je dirai qu’il est mort d’apoplexie à Paris.
Beaucoup de gens meurent d’apoplexie de manière très brutale,
n’est-ce pas ? » - Algernon : « Oui, mais c’est héréditaire, mon
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