Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020
son livre contient en effet les rectifications promises. Pourtant j'y
suis toujours encore décrit comme une « jeune bête féroce qui ne
voulait pas lâcher sa proie ». Quand je m'en plaignis à Mme
Delarue-Mardrus, elle me répondit que si ce passage n'avait pas été
modifié, la faute n'en n'était qu'à moi... Elle aurait été, me dit-elle,
toute disposée à le changer si je l'avais demandé... Je suis obligé
d'accepter cette explication, bien que je ne voie pas ce qui, dans les
documents que j'ai communiqués à Mme Delarue-Mardrus puisse
me présenter sous ce jour, le plus faux qu'on puisse concevoir.
Non seulement j'affirme que Wilde n'était pas ma « proie », mais les
articles qui furent publiés sur moi pendant la détention de Wilde,
notamment ceux de Georges Docquois et d'Eugène Tardieu,
prouvent juste le contraire. On peut se reporter aussi à un article
écrit vers ce même temps par Ernest La Jeunesse dans le Journal.
Ayant fait connaissance de l'auteur, nous devînmes d'excellents
amis.
De 1896 à 1900, je le vis continuellement. Il vint passer quelques
jours chez moi à Nogent-sur-Marne, il était à ce moment rédacteur
au Journal et il m'introduisit dans ce milieu intéressant ; ses
confrères me firent bientôt, en quelque sorte, « membre honoraire »
de la rédaction. On me laissait circuler partout et je fus admis à
inaugurer avec eux le « bar » qu'on venait d'installer dans l'un des
bureaux. Très souvent, j'y allais déjeuner, d'ordinaire en compagnie
de La Jeunesse, et je m'y liai avec Barrès, Ranson, Séverine et tous
leurs amis. J'y vis souvent Alphonse et Mme Allais, Moréas et un
peu Catulle Mendès. Un jour j'y fis la connaissance de Huysmans,
qui vint accompagné de Rowland Strong, alors correspondant à
Paris de la Morning Post. Pour Verlaine, je l'avais rencontré
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